Le baron Kurt von Hammerstein, né le 26 septembre 1878 à Hinrichshagen (Mecklembourg-Strelitz) et mort le 24 avril 1943 à Berlin, est un général allemand, opposant au nazisme. Il était chevalier de l'ordre protestant de Saint-Jean. Hammerstein appartient à une famille ancienne de la noblesse allemande, les Hammerstein-Equord, qui a donné de nombreux officiers aux diverses souverainetés allemandes. Son père, le baron Heido von Hammerstein, est officier supérieur dans l'armée du grand-duché de Mecklembourg-Strelitz, et sa mère est née Ida von Gustedt.
Il entre à l'âge de dix ans au corps des cadets de Plön, puis à l'école supérieure prussienne des cadets, située à Gross-Lichterfelde, près de Berlin, à partir de 1893. Il entre ensuite au 3e régiment de la garde à pied, où il est nommé lieutenant en second, le 15 mars 1898. C'est dans cette unité qu'il rencontre le futur chancelier Kurt von Schleicher avec qui il gardera des liens d'amitié sa vie durant. Il épouse en 1907 Maria von Lüttwitz, fille du général Walther von Lüttwitz (1859-1942). De cette union mixte (son épouse est catholique), il a sept enfants[1], quatre filles, Marie Luise, Marie Therese, Hildur, Helga, et trois fils, Kunrat, Ludwig et Franz.
Hammerstein est stationné à Cassel de 1905 à 1907, puis de 1907 à 1910, est envoyé étudier à la Preußische Kriegsakademie (académie militaire prussienne). Il devient alors officier d'état-major. Il est capitaine en 1913. Pendant la Guerre de 1914-1918, il est d'abord aide-de-camp d'un quartier-maître-général et plus tard d'un général d'état-major. Il combat dans les Flandres et reçoit la croix de fer. En 1917, il est nommé major.
Après la guerre et l'effondrement de la monarchie, Hammerstein est nommé dans la Reichswehr. Il sert à l'état-major du corps d'armée de Lüttwitz et il est nommé lieutenant-colonel en 1920. La même année, il est nommé chef à l'état-major du second Gruppenkommando basé à Cassel, puis en 1922 sert à Munich comme commandant de bataillon. Il se trouve ensuite en 1924 à l'état-major de la 3e région militaire, celle de Berlin. Il est nommé lieutenant-général le 1er octobre 1929 et chef de Truppenamt (dénomination imposée par le traité de Versailles qui avait interdit le grand-état-major de l'armée allemande). Il est chargé d'élaborer les concepts tactiques de la Reichswehr, qui en cas d'attaque ennemie prévoit de former une véritable défense, jusqu'à l'intervention de la Société des Nations. Il met au point un plan théorique de mobilisation en 1930 qui envisage de tripler les sept divisions d'infanterie existantes.
Alors que le chef du commandement suprême de l'armée, le Generaloberst Wilhelm Heye quitte ses fonctions, Kurt von Schleicher (secrétaire d'État) et Wilhelm Groener (ministre de la Défense) proposent au chancelier Brüning de nommer Hammerstein à sa place. Il prend son nouveau poste le 1er novembre 1930 avec le grade de général d'infanterie. Hammerstein se méfie dès le début de l'idéologie et des méthodes du national-socialisme. Il avertit même Hitler en décembre 1932 que s'il prenait le pouvoir illégalement (ce qu'il ne fera pas) il donnerait l'ordre de tirer. Il prévient aussi le maréchal Hindenburg qu'il est dangereux de nommer Hitler chancelier.
Hitler prend le pouvoir après les élections de 1933 et le but du général von Hammerstein est de créer une armée indépendante du pouvoir politique. En effet, le national-socialisme heurte ses conceptions d'aristocrate prussien. Il a la réputation d'un officier supérieur qui préfère la chasse et son confort familial et fait montre d'une certaine indolence, sans doute pour ne pas révéler ses opinions intimes. Le général a conscience de servir d'abord sa patrie, plutôt qu'un régime politique. Il rencontre Hitler au début de février 1933 lors d'une réunion officielle chez lui avec des représentants de la Reichswehr, afin de convaincre les hauts représentants des forces armées de ses plans. Hitler écrit plus tard à propos de cette rencontre qu'il avait l'impression de parler à un mur.
La position du général von Hammerstein devient difficile, d'autant plus que le général von Blomberg nommé ministre de la Défense est favorable à l'endoctrinement hitlérien de l'armée. Hammerstein qualifie les nazis de bande de criminels devant ses proches et n'a d'autre choix que de démissionner début 1934 tandis que Blomberg oblige les officiers d'état-major à rompre tout contact avec lui. Hammerstein se retire de tout cercle militaire ou politique. En 1935, il démissionne notamment du club de la noblesse, lorsque ses membres juifs en sont exclus. Il transmet à sa fille Maria-Therese des noms de personnes juives menacées de déportation.
Il est toutefois rappelé au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. La majorité des forces allemandes sont concentrées en septembre 1939 en Pologne, mais Hammerstein commande l'Armee-Abteilung A sur la frontière hollondaise. L'offensive française ne se produit pas et Hammerstein est à nouveau mis à la retraite le 24 septembre 1939. Selon des rumeurs, il aurait fomenté un attentat contre Hitler à cette époque. Ces rumeurs sont notamment relayées dans un livre publié par un agent britannique. Par ailleurs, il entre en contact à plusieurs reprises avec des opposants au régime, notamment avec Carl Friedrich Goerdeler, ou Nikolaus Christoph von Halem. Il est cependant de plus en plus isolé.
Hammerstein meurt d'un cancer à Berlin le 24 avril 1943. Sa famille refuse des funérailles officielles, pour ne pas voir le cercueil du défunt recouvert par le drapeau à swastika[2]. Il est enterré dans la sépulture familiale de Steinhorst en Basse-Saxe. Deux de ses fils, Kunrat et Ludwig, participent au projet d'attentat contre Hitler du 20 juillet 1944, et doivent s'exiler ensuite. Sa veuve, née von Lüttwitz et ses deux plus jeunes enfants sont enfermés dans un camp de concentration et libérés en avril 1945 par les forces alliées.