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Traité de Versailles

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Le traité de Versailles de 1919 est le traité de paix entre l'Allemagne et les Alliés de la Première Guerre mondiale. Élaboré au cours de la conférence de Paris, le traité fut signé le 28 juin 1919, dans la galerie des Glaces du château de Versailles et promulgué le 10 janvier 1920. Il annonce la création d'une Société des Nations et détermine les sanctions prises à l'encontre de l'Allemagne. Celle-ci, qui n'était pas représentée au cours de la conférence, se vit privée de ses colonies et d'une partie de ses droits militaires, amputée de certains territoires et astreinte à de lourdes réparations économiques.

Signature du traité dans la galerie des Glaces du château de Versailles

Signature du traité dans la galerie des Glaces du château de Versailles

Le choix du lieu de signature du traité marque pour la France l'occasion de laver symboliquement l'humiliation de sa défaite de la guerre de 1870. C'est en effet dans la même galerie des Glaces, au château de Versailles, qu'avait eu lieu la proclamation de l'empire allemand, le 18 janvier 1871. On convia des représentants de territoires du monde entier à la conférence de paix mais aucun responsable des États vaincus et de la Russie, qui avait quitté la guerre en 1917. Certaines personnalités eurent une influence déterminante. On en retient habituellement les dirigeants de quatre des principales puissances victorieuses : Lloyd George, Premier ministre britannique, Vittorio Orlando, président du Conseil italien, Georges Clemenceau, son homologue français et Woodrow Wilson, le président des États-Unis.

Chaque représentant est libre de travailler à la rédaction du traité, mais les positions de ces hommes divergent. Le président américain veut mettre en place la nouvelle politique internationale dont il a exposé les principes directeurs dans ses Quatorze points. Pour lui, la nouvelle diplomatie doit être fondée sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et sur la collaboration entre États. Il dispose d'un grand prestige. Il cherche à ménager l'Allemagne pour éviter qu'un esprit revanchard ne s'y développe. Les responsables anglais tiennent aussi à laisser à l'Allemagne une certaine puissance. Fidèles à leur théorie d'équilibre entre les puissances, ils tiennent à empêcher la France d'acquérir une hégémonie en Europe continentale. Clemenceau, au contraire, cherche à imposer de lourdes indemnités pour limiter la puissance économique et politique de l'Allemagne, et pour financer la reconstruction de la France.

Les compromis trouvés ne pouvaient pleinement satisfaire personne. Le traité voté est souvent critiqué : « Tout a été vite réglé, mal réglé par des hommes qui n'avaient pas vécu l'atroce réalité de la guerre » ou « De cette paix imposée grandira une nouvelle haine » ou encore « Le traité ne comprend aucune rénovation économique pour l'Europe ». La signature du traité fut retardée de plusieurs mois par le coup de force de Gabriele D'Annunzio qui s'empara de la ville de Fiume. Il fallut attendre l'intervention de la marine italienne en décembre 1920 pour que le traité de Rapallo, instaurant l'État libre de Fiume, puisse s'appliquer et permettre la proclamation officielle du traité de Versailles.

La première partie établit une charte pour une Société des Nations. Elle reprend l'idéal wilsonien d'une diplomatie ouverte, et régulée par un droit international. La treizième partie pose les principes du Bureau International du Travail. Le reste du traité est essentiellement consacré aux conditions de la paix en Europe. Un principe, énoncé à l'article 231, structure l'ensemble : l'Allemagne et ses alliés sont déclarés seuls responsables des dommages de la guerre. Ce principe justifie les exigences très lourdes des vainqueurs à l'égard de l'Allemagne. Les principales dispositions du traité sont :

 

  • la récupération par la France de l'Alsace-Moselle (art. 27) ;
  • l'intégration à la Belgique des cantons d'Eupen et de Malmedy, dont la Vennbahn (art. 27) ;
  • la possibilité pour le Danemark de récupérer certains territoires du Nord de l'Allemagne où se trouvent des populations danoises. La décision doit être soumise à un vote de la population locale. (art. 109 à 111). Le référendum est mené en 1920. Les villes d'Aabenraa, Sønderborg et Tønder, et leurs environs passent alors au Danemark
  • Le Territoire du Bassin de la Sarre est placé sous administration internationale pour 15 ans. Son statut définitif doit être soumis à référendum.
  • D'importants territoires qui se trouvaient dans l'est de l'Allemagne sont attribués au nouvel État polonais (art.28). Dans certaines régions, le statut définitif n'est pas décidé. Il doit être déterminé par une commission ou par un référendum dans la zone concernée (art 87 à 93). Dantzig devient une ville libre, ce qui garantit l'accès de la Pologne à la mer mais a aussi pour effet de séparer la Prusse orientale, restée allemande, du reste de l'Allemagne.

 

La seconde partie du traité définit les frontières de l'Allemagne, mais dans plusieurs régions, le tracé définitif est remis à plus tard. L'indépendance des nouveaux États de Pologne et de Tchécoslovaquie est également affirmée. L'indépendance de l'Autriche est également protégée : il est interdit à l'Allemagne de l'annexer (art. 80). L'Allemagne se voit amputée de 15% de son territoire et de 10% de sa population au profit de la France, de la Belgique du Danemark, et surtout de la Pologne, nouvellement recréée. De nombreuses mesures sont prises pour limiter le pouvoir militaire de l'Allemagne, et protéger ainsi les États voisins. Les clauses militaires forment la cinquième partie du traité.

 

  • L'Allemagne doit livrer 5 000 canons, 25 000 avions, ses quelques blindés et toute sa flotte (qui se sabordera dans la baie écossaise de Scapa Flow).
  • Son réarmement est strictement limité. Elle n'a plus droit aux chars, à l'artillerie et à l'aviation militaire.
  • Son armée sera limitée à un effectif de 100 000 hommes et le service militaire aboli.
  • La rive gauche du Rhin, plus Coblence, Mayence et Cologne, est démilitarisée
  • Suite aux dommages de guerre causés pendant toute la durée de la guerre dans le Nord de la France et en Belgique, l'Allemagne - considérée comme seule responsable de la guerre -, devra payer de fortes réparations à ces deux pays. Le montant à payer est fixé par une commission en 1921. Il s'élève à 132 milliards de marks-or, une somme très élevée. Le montant total des dommages causés par la guerre aux alliés était toutefois estimé à 150 milliards de marks-or.
  • Plusieurs sanctions commerciales et des livraisons en nature complètent ce volet économique : l'Allemagne perd la propriété de tous ses brevets (l'aspirine de Bayer tombe ainsi dans le domaine public). Les fleuves Rhin, Oder et Elbe sont internationalisés et l'Allemagne doit admettre les marchandises en provenance d'Alsace-Moselle et de Posnanie sans droits de douane. En outre, le pays doit livrer aux Alliés du matériel et des produits.

 

Dans la quatrième partie du traité, l'Allemagne, toujours à titre de compensations, est sommée de renoncer à son empire colonial. C'est ainsi que, au sein des Alliés, les puissances coloniales riveraines des possessions allemandes en Afrique (Grande-Bretagne, France, Belgique et Union sud-africaine) se partageront ces dernières : le Cameroun, le Togo, l'Afrique-Orientale allemande (actuels Tanzanie, Rwanda et Burundi) et le Sud-Ouest africain (actuelle Namibie). Cette dernière colonie allemande avait déjà été conquise militairement en 1914-1915 par l'Union sud-africaine, qui la recevra en mandat par la SDN en 1920. Dans la foulée, l'Allemagne devra également renoncer à ses intérêts commerciaux (ses comptoirs et ses conventions douanières) de par le monde (Chine, Siam, Maroc, Égypte, Turquie, etc.).

 

Des traités annexes au traité de Versailles furent signés séparément avec chacun des vaincus. Les traités de Saint-Germain-en-Laye puis du Trianon avec l'Autriche-Hongrie qui est dépecée en :

 

  • une Autriche réduite au territoire occupé par des germanophones ;
  • un État hongrois indépendant ;
  • la Tchécoslovaquie, État principalement binational (Tchèques et Slovaques), mais avec une forte minorité germanophone (Sudètes) et d'autres minorités : polonaise, hongroise, ruthène.
  • d'autres morceaux de son territoire vont à : la Roumanie (la Transylvanie avec de fortes minorités hongroise et germanophone) ; l'Italie (les provinces germanophone de Bolzano et italienne de Trento, la ville de Trieste), pour récompenser la Serbie, une fédération des Slaves du sud est créée : la Yougoslavie (dite alors officiellement Royaume des Serbes, Croates et Slovènes), comportant Serbie, Monténégro, Croatie et Slovénie, plus la Bosnie-Herzégovine, région multinationale et une minorité hongroise.

 

Le traité de Versailles a été soumis à de multiples critiques. Les frustrations qu'il a fait naître, ainsi peut-être que les déséquilibres qu'il a engendrés, ont eu un rôle certain dans la politique européenne des décennies suivantes. Le Sénat des États-Unis refuse de le ratifier et donc empêche les États-Unis d'entrer à la Société des Nations, ce qui d'emblée réduisit la portée de cette organisation. La France, qui est pourtant une des principales bénéficiaires des traités (retour de l'Alsace et de la Lorraine dans le giron français, démilitarisation de l'ouest de l'Allemagne, dépeçage de l'Empire austro-hongrois et obtention d'un énorme montant pour les réparations financières), n'est pas encore satisfaite car elle aurait voulu obtenir l'occupation permanente de la rive gauche du Rhin. En Savoie, l'article 435 du traité de Versailles fait que certaines dispositions d'annexion du traité de Turin (1860) ne sont plus respectées. Cet article supprime les zones neutres et franches présentes en Savoie et liées aux conditions d'annexion.

La France fut condamnée par la Cour internationale de justice de La Haye en 1932 pour la violation du traité de Turin. Le ressentiment est particulièrement fort encore en Italie. On a parlé de « victoire mutilée », car les Alliés n'ont pas respecté les promesses faites durant le conflit concernant l'attribution des provinces de l'Istrie, de la Dalmatie et du Trentin. Les fascistes italiens sauront exploiter cette trahison et y trouveront un terreau propice à l'exaltation d'un nationalisme virulent. La République de Chine, bien que mentionnée parmi les parties contractantes, refuse de signer le traité, qui prévoit la cession à l'Empire du Japon des droits allemands sur le Shandong. Les prétentions japonaises entraînent en Chine une agitation nationaliste et anti-japonaise connue sous le nom de mouvement du 4 mai.

Le paiement de réparations représentait une lourde charge pour la République de Weimar. En proie à de graves difficultés financières, elle se révèle vite incapable d'y faire face. Les alliés demandent alors des livraisons en nature. Face aux retards de livraison allemands, la France et la Belgique envahissent la Ruhr en 1923, ce qui aggrave encore la déstabilisation économique de l'Allemagne. Toutefois, les difficultés ne sont pas réglées. Sous la direction américaine, le plan Dawes est alors élaboré. Il facilite les conditions de remboursement pour l'Allemagne. Toutefois, la charge apparaît encore trop lourde ce qui conduit à l'élaboration d'un nouveau plan, le plan Young, en 1929. Les dettes allemandes sont diminuées et rééchelonnées de manière considérable. En Allemagne, les réparations font tout au long de la période l'objet de vives contestations politiques, et alimentent un vif ressentiment. En 1929, une pétition aboutit, contre l'avis du gouvernement, à soumettre à référendum une proposition de loi qui annule le paiement de dettes. Cependant, la participation au référendum fut très faible et la loi fut rejetée à près de 95%.

Selon les termes du plan Young, le paiement des réparations devait s'échelonner jusqu'à 1988, mais avec la Grande Dépression, les versements furent interrompus (moratoire Hoover en 1931). En 1933, les nazis arrivent au pouvoir en Allemagne, ils rejettent toute idée de paiement des réparations. Les paiements sont définitivement arrêtés tandis que l'annexion de l'empire colonial allemand sera maintenu jusqu'à l'accession à l'indépendance des peuples africains concernés au début des années 1960, à l'exception de la Namibie qui n'accèdera à l'indépendance qu'en 1990. L'original du traité a disparu en 1940 et on ignore s'il a été détruit. Face à l'avancée des troupes allemandes vers Paris, il devait être mis à l'abri à l'Ambassade de France aux États-Unis, mais ce n'est qu'une version préparatoire qui y est parvenue. On a longtemps cru qu'il se trouvait à Moscou, mais l'ouverture progressive des archives depuis 1990 n'a pas permis de le retrouver. La seule certitude est que les Allemands ont mis la main sur la ratification française du traité, qui avait été cachée au Château de Rochecotte.


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