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Pie XII

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Eugenio Maria Giuseppe Giovanni Pacelli (Rome, 2 mars 1876 – Castel Gandolfo, 9 octobre 1958), élu pape le 2 mars 1939 sous le nom de Pie XII (en latin Pius XII, en italien Pio XII).

Eugenio Maria Giuseppe Giovanni Pacelli

Eugenio Maria Giuseppe Giovanni Pacelli

Eugenio Pacelli naît à Rome en 1876, dans une famille de la noblesse noire du Saint-Siège fidèle à la papauté pendant la Question romaine (de 1870 à 1929 accords du Latran): son grand-père Marcantonio Pacelli, avait été ministre des finances de Grégoire XVI puis secrétaire à l'Intérieur sous le pontificat de Pie IX de 1851 à 1870, l'un des fondateurs du journal officiel du Vatican, L'Osservatore romano, en 1861 il accompagne le Pape en exil à Gaete.

Son père, Filippo Pacelli (1837-1916), avocat à la Rote romaine puis avocat consistorial se montra également défavorable à l'intégration des États pontificaux au royaume d'Italie après 1870.  Un oncle (Guiseppe Pacelli) est Monsignor (il le baptise), un de ses cousins, Ernesto Pacelli est un conseiller financier de Léon XIII, sa mère, Virginia Graziosi (1844-1920) vient d'une famille distinguée pour ses services rendus au Saint-Siège, enfin, son frère, Francesco Pacelli, docteur en droit canon et juriste du Saint-Siège, allait être l'un des négociateurs des accords du Latran en 1929. Avec son frère Francesco et leurs deux sœurs, Giuseppina et Elisabetta, Eugenio grandit à Rome, va à l'école chez les religieuses puis à partir de 7 ans, au lycée Visconti, établissement public marqué par un certain anticléricalisme populaire.

Eugenio Pacelli annonce dès 12 ans son intention d'être prêtre et non homme de loi, ce qui n'étonne pas sa famille (il était fasciné par Saint Philippe Neri dont le corps était sous l'autel de l'église de la paroisse où il servait comme enfant de chœur). Étudiant dicipliné, sportif (natation, cheval, canot) musicien (violon) s'intéressant à l'archéologie, il commence en 1894 sa théologie à l'Université grégorienne, comme pensionnaire du Collège Capranica. De 1895 à 1896, il effectue son année de philosophie à l'université romaine de La Sapienza. Il visite Paris en 1896 rejoint l'institut Apollinare de l'université pontificale du Latran en 1899, y obtient trois licences, l'une de théologie et les autres in utroque jure (« dans les deux droits », c'est-à-dire droit civil et droit canonique). Au séminaire, pour des raisons de santé, il échappe au lot commun et obtient de rentrer chaque soir au domicile parental. Il est ordonné prêtre à Pâques le 2 avril 1899 par Mgr Francesco di Paola Cassetta, un ami de la famille.

Pacelli est invité à travailler dans les bureaux du Vatican par Monsignor Pietro Gasparri, où domine Mariano Rampolla, le secrétaire d'État du Pape Léon XIII. En 1901, il entre à la Congrégation des affaires ecclésiastiques extraordinaires, chargée des relations internationales du Vatican, par la recommandation d'un des frères cardinaux Vannutelli, ami de la famille. Il y devient minutante. Il est choisi par Léon XIII pour porter les condoléances du Vatican après le décès de la reine Victoria Ière. Pacelli assiste,en tant que minutante au conclave d'août 1903, qui voit l'empereur d'Autriche François-Joseph Ier porter la dernière exclusive contre le cardinal Rampolla et aboutit à l'élection de Pie X. En 1904, il est nommé par le cardinal Gasparri secrétaire pour la Commission pour la codification du droit canonique. Il devient également camérier secret, signe de confiance de la part du pape.

Identifié comme un proche de Pie X, pape antimoderniste, il aurait appartenu à la Sapinière « quoique sa position ne [soit] pas intransigeante.[Il était vu comme un] serviteur du Saint-Siège essentiellement étranger aux conflits qui secouaient les milieux du Vatican ». Il publie une étude sur La Personnalité et la territorialité des lois, spécialement dans le droit canon, puis un livret blanc sur la séparation des Églises et de l'État en France où il s'est rendu l'année précédente. Pacelli décline de nombreuses offres de chaires de droit canonique, aussi bien à l'Apollinaire qu'à l'université catholique de Washington.

Il accepte cependant d'enseigner à l'Académie des nobles ecclésiastiques, vivier de la Curie romaine. En 1905, il est promu prélat domestique. Il est nommé Professeur de droit canon à l'université Romaine et de l'université Catholique des États Unis[pas clair] (1908). Nommé représentant du Vatican au congrès International Eucharistique de Londres (1908), il rencontre Winston Churchill et représente le Saint-Siège au couronnement du roi Georges V en 1911. Il est également chapelain des sœurs de l'Assomption.

Sa carrière est une suite de promotions: en 1911, il devient sous-secrétaire aux Affaires ecclésiastiques extraordinaires; puis en 1912, secrétaire adjoint, et secrétaire le 1er février 1914 (il y succède à Gasparri qui vient d'être promu Cardinal secrétaire d'État). Il conclut un concordat avec la Serbie quelques jours avant l'assassinat de l'Archiduc François-Ferdinand d'Autriche. Benoit XV lui conserve ce poste où il promeut la politique pacifiste du pape pendant la Première Guerre mondiale (il est chargé du suivi des prisonniers de guerre). Il tente en particulier de dissuader l'Italie d'entrer en guerre contre les puissances centrales (Autriche-Hongrie et Allemagne): en 1915, lors d'un voyage à Vienne, en collaboration avec le nonce apostolique Mgr Scapinelli, il cherche à convaincre l'empereur François-Joseph à plus patience à l'égard de l'Italie.

Le 20 avril 1917, Benoît XV nomme Pacelli nonce apostolique en Bavière: Munich est alors l'unique représentation pontificale de l'Empire allemand. Trois jours plus tard, il le nomme archevêque in partibus de Sardes et le sacre dans la chapelle Sixtine, le 13 mai 1917 (jour des apparitions de Fatima). Reçu par Louis III de Bavière le 29 mai 1917, il tente en vain de promouvoir la note de Benoît XV du 1er août 1917, demandant la paix, auprès du Kaiser Guillaume II: le Chancelier Bethmann-Hollweg plus intéressé, doit démissionner. Pacelli s'efforce de connaître l'Église catholique allemande, visitant les diocèses et assistant aux principales manifestations catholiques, comme le Katholikentag. Il rencontre son conseiller Robert Leiber et, lors de ses vacances d'été, chez les sœurs à Rorschach au Lac de Constance, il prend à son service l'allemande sœur Pasqualina, alors âgée de 23 ans, qui resta sa gouvernante jusqu'à la fin de sa vie.

Après l'effondrement de l'Allemagne, une révolution spartakiste éclate en Bavière, en 1919, et des révolutionnaires menacent le nonce apostolique de leurs armes pour prendre sa voiture. La République des conseils de Munich nationalise l'immeuble de la nonciature, qui est rendue après la protestation officielle du diplomate; le nonce écrit au Vatican que ce régime - qui dura un mois - est une « très dure tyrannie russo-révolutionaire ».

Le Saint Siège en 1919, reconnaît la nonciature en Bavière compétente pour l'ensemble du territoire allemand; le 23 juin 1920, est établie une nonciature en Allemagne que Pacelli reçoit, en même temps que la nonciature de Prusse, (double poste purement formel puisque le personnel et l'adresse sont les mêmes). Pacelli demeure toutefois en Bavière jusqu'à la conclusion d'un concordat (1924) où il s'inquiète de la montée de la droite Nationaliste: une campagne, en mars 1923, assimile les Jésuites, les Juifs et les protestants à des ennemis de l'Allemagne. Il déconseille à cause de ce risque d'amalgame les rapprochements œcuméniques. Il vit à Munich le putsch manqué Hitler-Ludendorff du 8 et 9 novembre 1923. Il alerte au Vatican le nouveau pape Pie XI (élu en 1922) contre le caractère anticatholique de ce coup d'état et, en mai 1924, il estime que le nazisme est « peut-être la pire hérésie de notre époque ».

Il n'emménage à Berlin (au palais neuf de la nonciature) que le 18 août 1925 et conduit, de 1925 à 1929, les négociations d'un concordat avec la Prusse. L'échec d'un concordat global avec l'Allemagne provient d'une méfiance réciproque avec le gouvernement. Hostile aux communistes, proche du père Kaas, membre du Zentrum, il déconseille une alliance politique du parti catholique avec la coalition socio-démocrate/libérale de la République de Weimar. Il appuie toutefois les efforts diplomatiques de l'Allemagne (demande de modération des réparations de guerre, refus de la sécession du clergé de la Sarre souhaitée par la France, aide à la nomination d'un administrateur papal pour Danzig et réintégration de prêtres de Pologne). En août 1929, au nonce Autrichien, il décrit Adolf Hitler, comme un « "redoutable agitateur politique" », ajoutant :

« "ou bien je me trompe vraiment beaucoup, ou bien tout cela ne se terminera pas bien. Cet être-là est entièrement possédé de lui-même : tout ce qu'il dit et écrit porte l'empreinte de son égoïsme ; c'est un homme à enjamber des cadavres et à fouler aux pieds tout ce qui est en travers de son chemin - je n'arrive pas à comprendre que tant de gens en Allemagne, même parmi les meilleurs, ne voient pas cela, ou du moins ne tirent aucune leçon de ce qu'il écrit et dit. - Qui parmi tous ces gens, a seulement lu ce livre à faire dresser les cheveux sur la tête qu'est Mein Kampf ?"  ».

Son rôle diplomatique déborde le territoire Allemand : en l'absence de nonciature auprès du régime Russe de Lénine, Pacelli prend connaissance des discussions entre le Vatican et l'URSS. En 1926, il consacre évêque le jésuite Michel d'Herbigny, chargé de constituer un clergé en Russie. Il relaie des propositions soviétiques pour l'organisation du catholicisme, jusqu'à leur échec en 1927 (arrêt par Pie XI). Afin de régulariser les relations entre le Saint-Siège et les autres États et d'y défendre les activités catholiques, il négocie plusieurs concordats avec la Lettonie en 1922, avec la Bavière en 1924, avec la Pologne en 1925, avec la Roumanie en 1927 enfin avec la Prusse en 1929.

Son élévation à la dignité de cardinal par Pie XI avec le titre de cardinal-prêtre de Saints Jean et Paul (1929) ne surprend pas. Mais sa nomination comme successeur de Gasparri au poste de cardinal secrétaire d'État crée la stupeur dans la curie, où elle apparaît comme la promotion d'un homme nouveau au service exclusif du pape et « une figure au dessus des partis ». Secrétaire d'État dès février 1930, le cardinal Pacelli devient le principal collaborateur de Pie XI qu'il voit au moins deux fois par semaine.

Tout en poursuivant son ascension dans la curie (archiprêtre de la Basílique Vaticane (1930), grand chancelier de l'Institut Pontifical d'Archéologie Chrétien (1932) et surtout camerlingue de la Sainte Église Romaine en 1935), il conduit la diplomatie, la négociation et la signature de plusieurs concordats, régissant les relations entre l'état signataire et l'Église catholique et permettant à cette dernière de faire fonctionner de nombreux groupes et associations (Bade 1932, Autriche en 1933, Yougoslavie en 1935 et Portugal en 1940). Il est associé à la protestation contre l'attitude du gouvernement Mexicain (1932), il voyage en Argentine (1934), en France, à Lourdes (1935) et à Paris et Lisieux (1937), aux États-Unis à titre privé en 1936, (il y rencontre Franklin Delano Roosevelt, le prélat Spellman et la famille de Joseph Kennedy), et en Hongrie (où il rencontre le régent Miklós Horthy en 1938).

L'ancien nonce en Allemagne continue à négocier en vain avec la république de Weimar un projet global de concordat. Politiquement, il soutient avant 1933 l'idée d'une coalition entre les catholique du Zentrum et le DNVP. Cependant le chancelier Franz von Papen choisit l'alliance avec le NSDAP de Hitler, ce qui entraîne des signes de détente entre le leader nazi parvenu au pouvoir en janvier 1933, le Zentrum et les catholiques: un discours rassurant de Hitler le 23 mars 1933, le retrait du décret des évêques qui avait explicité l'incompatibilité du catholicisme et du national-socialisme (28 mars suivant), l'ordonnance confirmant l'existence du parti catholique Zentrum (23 avril), enfin son auto-dissolution le 5 juillet 1933.

Pie XI et Pacelli profitent de cette phase pour signer le concordat en préparation depuis plusieurs années et qui donne une garantie d'état au Catholicisme Allemand. Du point de vue de Hitler, la signature permet à la fois d'éviter une activité politique éventuelle du clergé, des organismes et des ordres catholiques, et de rassurer l'étranger (en particulier l'Autriche, l'Espagne et l'Italie catholiques) tout en augmentant son prestige international. Le 20 juillet 1933, Pacelli signe avec Franz von Papen, représentant le nouveau chancelier du Reich, Adolf Hitler, un concordat avec l'Allemagne.

L'Allemagne nazie ne respectant pas le concordat, le cardinal Pacelli envoie 55 notes de protestations au gouvernement allemand entre 1933 et 1939 (soit 9 notes par an). En mars 1937, il rédige à la demande du pape, avec le cardinal-archevêque de Munich, Michael von Faulhaber, le texte de l'encyclique Mit brennender Sorge qui renouvelle ces protestations et condamne la divinisation de la race et le paganisme. Entré clandestinement en Allemagne, le texte est lu en chaire dans les églises catholiques le 21 mars; des centaines d'arrestations suivent ; mais le concordat n'est cependant pas dénoncé (il est toujours en vigueur actuellement).

En 1938, après l'approbation de l’Anschluss par l'épiscopat Autrichien, Pie XI fait intervenir Pacelli auprès du cardinal Innitzer, archevêque de Vienne, pour qu'il revienne sur cette position par une déclaration. Le 6 mai, celui-ci s'exécute, écrivant dans l'Osservatore Romano, au nom de tous les évêques d’Autriche : « "La déclaration solennelle des évêques autrichiens […] n’avait pas pour but d’être une approbation de quelque chose qui est incompatible avec la loi de Dieu et que les gestes de sympathie de l'épiscopat autrichien à l'égard du régime hitlérien n'avaient pas été concertés avec Rome ».

En mai 1938, lors de la visite de Hitler à Rome, Pacelli s'absente ostensiblement du Vatican avec le pape Pie XI qui multiplie les prises de positions contre l'alliance entre l'Italie mussolinienne et le nazisme. Pour s'opposer à la législation antisémite italienne, Pie XI déclare ainsi, le 6 septembre 1938 à des pèlerins  : « "Nous, chrétiens, sommes spirituellement des sémites" ». Le pape ordonne aux universités catholiques d'organiser un enseignement contre l'antisémitisme et le racisme, et prépare un discours contre, notamment, le contrôle de l'information par les Fascistes. Pie XI meurt dans la nuit et le texte imprimé est, conformément à l'usage, détruit par Pacelli en tant que camerlingue.

Le pape Pie XI avait laissé entendre qu'il aurait aimé avoir pour successeur le cardinal Pacelli. À la mort de ce pape, des échanges entre les gouvernements français et britannique montrent leur préférence pour le secrétaire d'état Pacelli; l'ambassadeur de France François Charles-Roux intervient activement pour soutenir son élection. L'ensemble des cardinaux français semble lui apporter leur soutien en dehors du Lorrain membre de la curie Eugène Tisserant (lui-même papabile), qui aurait préféré Luigi Maglione qu'il considérait plus ferme vis à vis de l'Allemagne. À l'intérieur de la curie, on souhaite généralement un pape moins rugueux dans son expression que ne l'était Pie XI, ce qui permettrait à la diplomatie Allemande qui venait de réaliser l'Anschluss de l'Autriche catholique de se satisfaire aussi du choix de l'ancien nonce, moins agressif. Ciano et le régime Mussolinien, cependant, semblent s'opposer à un Pacelli « trop ami de la France » et trop politique.

62 cardinaux se réunissent au Vatican. L'élection du camerlingue Eugenio Pacelli ne fait guère de doute. Mais comme on pense que les chances d'un non italien sont meilleures qu'elles ne l'ont jamais été, que les favoris ne sont pas toujours élus (quatre fois depuis 1823 sur 7) et qu'aucun secrétaire d'État n'a été élu depuis 1667 (ni d'ailleurs de Romain depuis 1670), il y a d'autres papabile: le primat de Pologne August Hlond, l'archevêque de Cologne Karl Joseph Schulte , un français, le camérier Eugène Tisserant, l'archevêque de Milan Ildefonso Schuster, la patriarche de Venise Adeodato Giovanni Piazza, l'évêque de Turin Maurilio Fossati et surtout l'évêque de Florence Elia Dalla Costa, favori des Italiens.

Le choix est rapide. Pacelli est élu pape Il aurait reçu 35 votes dès le premier tour et 40 au second, les autres suffrages se portant sur Luigi Maglione, Elia Dalla Costa de Florence, et Jean-Marie-Rodrigue Villeneuve du Québec; au troisième tour, il aurait reçu une élection par acclamation (61 suffrage) peut être après avoir reçu exactement les deux tiers des voix nécessaires, et demandé un scrutin supplémentaire pour confirmation (Benoit XV avait dû prouver dans les mêmes conditions qu'il n'avait pas contrevenu à l'interdiction de voter pour lui-même. Pacelli abolit cette procédure en 1945 en portant la majorité à deux tiers plus une voix). Le 2 mars 1939, à 17 h 30, la fumée blanche apparaît, (mais elle semble un temps noircir ce qui conduit le secrétaire du conclave Vittorio Santoro à confirmer l'élection à Radio Vatican). Dans la continuité du pontificat précédent et comme l'annonce dans l'habemus papam Camillo Caccia Dominioni devant la foule qui entonne l'hymne Christus Vincit, le nouveau pape choisit le nom de règne de Pie XII (Pius XII). En passant devant sa gouvernante, Sœur Pasqualina, il lui dit « regardez ce qu'ils m'ont fait ! »

Première encyclique (octobre 1939), elle donne le ton de son enseignement socio-politique et explique le rôle de la papauté dans la société moderne, définissant aussi clairement, la position doctrinale de l'église face aux régimes politiques et en particulier aux états totalitaires. Se souvenant de la consécration du genre humain au Sacré-Cœur, Pie XII explique les malheurs des temps par l'abandon dans les sociétés modernes devenues matérialistes de l'inspiration du Christ Roi. Cette déviance les a conduit à idolâtrer, au lieu de la famille humaine faite à l'image de Dieu, soit les faux progrès de la raison libérale sans Dieu, soit un État survalorisant la Nation, l'Ethnie ou la lutte des classes. La guerre montre l'échec de l'illusion du progrès sans Dieu. La solution ne peut venir des armes, la loi juste ne peut venir de la seule démocratie: la solution doit s'appuyer sur l'incarnation divine. Le rôle du pape est de condamner les erreurs et de proclamer depuis la Chaire de Saint Pierre le Christ Roi, non qu'il s'agisse de gouverner le temporel, mais bien de répandre sur la planète l'incarnation du message de Paix et d'Amour. Les laics doivent le relayer en particulier dans l'éducation des familles. L'État ne doit pas les dominer par une éducation sans Dieu.

La généralité de cette conception dogmatique et diplomatique est aussi le cadre de ses prises de position les plus contestées (vis à vis du régime de Vichy, de Franco, de l'alliance avec le communisme...). Dans cette encyclique publiée le 30 septembre 1943, le pape donne à l'exégèse sa norme de liberté en distinguant les différents genres littéraires dans l'Écriture. Le 20 novembre 1947, Pie XII publie l'encyclique Mediator Dei, consacrée à la liturgie qui "se développe selon les circonstances et les besoins des chrétiens". Ce document insiste sur la nature de la liturgie, qui n'est pas seulement un culte public, extérieur, mais surtout un culte intérieur qui s'enracine dans la piété des fidèles (« que ce que nous professons dans nos observances extérieures, s’accomplisse réellement dans notre intérieur »). L'encyclique insiste ainsi sur l'importance de la coopération humaine à l'action divine : « l’Église cherche à faire pénétrer cet esprit dans toute la vie privée, conjugale, sociale et même économique et politique, afin que tous ceux qui portent le nom d’enfants de Dieu puissent plus facilement atteindre leur fin. »

Ce document marque le début d'une entreprise de réforme de la liturgie romaine. Pour le pape Pie XII, un tel mouvement de réforme doit se faire dans le respect d'une certaine continuité, d'une évolution organique de la liturgie ; l'initiative des adaptations doit en outre respecter un principe hiérarchique fort.

Par exemple, le pape n'exclut pas l'usage d'autres langues que le latin : « Dans bien des rites cependant, se servir du langage vulgaire peut être très profitable au peuple : mais c’est au seul Siège apostolique qu’il appartient de le concéder ». Il s'oppose en revanche à « l'excessive et malsaine passion des choses anciennes » : « il n'est pas sage ni louable de tout ramener en toute manière à l'Antiquité ». Il condamne par là l'archaïsme liturgique qui, sous couleur de retour aux sources, est un procédé de rupture avec la tradition.

Pour mettre en œuvre ces idées générales, Pie XII met en place le 28 mai 1948 une commission pontificale pour la réforme liturgique. Cette commission mèna à bien une réforme du rite romain de la Semaine sainte et de la vigile pascale. Elle poursuivit ses travaux au cours des pontificats suivants. Dans cette encyclique publiée le 12 août 1950, Pie XII fait la critique d'un certain nombre de « fausses opinions qui menacent de ruiner les fondements de la doctrine catholique »

Sans formuler de condamnation précise, il expose ses critiques et mises en garde contre le courant de la Nouvelle Théologie. Il l'accuse de favoriser une forme de relativisme et d'ignorer certains enseignements traditionnels. Le pape expose le point de vue que les théologiens doivent se placer d'abord au service du magistère de l'Église, dans une démarche de développement organique.

L'encyclique évoque également la doctrine de l'évolution : cette théorie n'entre pas en opposition avec la doctrine catholique, « dans la mesure où elle recherche l'origine du corps humain à partir d'une matière déjà existante et vivante - car la foi catholique nous ordonne de maintenir la création immédiate des âmes par Dieu ». En revanche, le polygénisme est clairement rejeté. Dans cette encyclique publiée en 1956, Pie XII produit une synthèse de référence sur le sens de la spiritualité du Sacré-Cœur. Pie XII y définit le mystère du cœur de Jésus comme le mystère de l'amour miséricordieux du Christ et de la Trinité tout entière, Père, Fils et Saint Esprit, envers l'humanité.

Pie XII a proclamé le dogme de l'Assomption de la Vierge Marie par la constitution apostolique Munificentissimus Deus du 1er novembre 1950. Cette initiative fait suite à un siècle d'intense réflexion théologique sur la Vierge Marie. Elle confirme aussi officiellement la célébration du mystère de l'Assomption, présente depuis des siècles dans l'Église. La proclamation du dogme a aussi été précédée de nombreuses demandes émanant des églises locales. De 1854 à 1945, huit millions de fidèles catholiques ont écrit en ce sens. Lettres auxquelles on peut ajouter les pétitions de 1332 évêques, et de 83 000 prêtres, religieuses et religieux. La proclamation du dogme, clôture l'année jubilaire de 1950 et est accompagnée de célébrations importantes.

Ce dogme se définit ainsi : n'ayant commis aucun péché, Marie est directement montée au Paradis à sa mort, avec son âme et aussi avec son corps. En effet, étant épargnée par le péché originel (c'est le dogme de l'immaculée conception défini en 1854), rien n'oblige son enveloppe charnelle à attendre la résurrection des corps à la fin des temps. « Nous affirmons, Nous déclarons et Nous définissons comme un dogme divinement révélé que l’Immaculée Mère de Dieu, Marie toujours vierge, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée en corps et âme à la vie céleste ». (Pie XII, Constitution apostolique Munificentissimus Deus, 1er novembre 1950).

En proclamant le dogme de l'Assomption, Pie XII a exercé, après consultation des évêques du monde entier, son infaillibilité pontificale. C'est la seule fois, depuis la proclamation du dogme de l'infaillibilité pontificale en 1870 lors du concile Vatican I, qu'un pape a procédé à une définition dogmatique couverte par son infaillibilité. Contrairement à l'Église anglicane qui autorise la contraception de plus en plus largement depuis la conférence de Lambeth de 1930, Pie XII maintient l'enseignement de l'encyclique Casti Connubii de son prédécesseur Pie XI, sur la chasteté dans le mariage. Toutefois dans son discours au congrès de l'Union catholique italienne d'obstétrique du 29 octobre 1951, il reconnaît officiellement la possibilité du contrôle des naissances en permettant la continence durant la période féconde du cycle menstruel. Cette possibilité avait été en fait déjà reconnue au siècle précédent, mais seulement à l'occasion de questions posées à la Pénitencerie apostolique.

Dans un discours du 8 janvier 1956, il se déclare favorable aux méthodes psychologiques d'accouchement sans douleur, arguant que « tout en punissant Ève, Dieu ne veut pas interdire, et n'interdit pas aux mères, l'utilisation des moyens appropriés pour effectuer l'accouchement plus facile et moins douloureux ». Dans de nombreux discours, Pie XII s'est prononcé sur les aspects moraux de nouvelles techniques médicales disponibles. Ainsi, le 13 mai 1956, il indique que les prélèvements et greffes d'organes sont licites (en précisant des conditions de respect de la dignité humaine). Il affirme également qu'il est « licite de supprimer la douleur au moyen de narcotiques, même avec pour effet d'amoindrir la conscience et d'abréger la vie », ce qui permettra à ses successeurs de considérer légitime l'usage des soins palliatifs.

Dans un discours du 22 novembre 1951 où il fait référence la théorie cosmologique du Big Bang Pie XII déclare : « Il semble en vérité que la science d'aujourd'hui, remontant d'un trait des millions de siècles, ait réussi à se faire le témoin de ce Fiat Lux initial. ». Cette position, de type concordiste (qui cherche à faire une synthèse entre la foi et la science) fut corrigée en 1952 par Pie XII, suite à sa rencontre avec le chanoine Georges Lemaître, un des créateurs de la théorie du Big Bang. Pie XII publie la constitution apostolique Exsul familia Nazarethana le 1er août 1952. Inscrite dans le contexte des déplacements de population massifs consécutifs à la seconde guerre mondiale, elle fait un bilan des secours apportés par les Catholiques et le Saint-Siège depuis le début de la guerre.

Surtout, il s'agit du premier document officiel du Saint-Siège qui aborde de manière globale et systématique le problème de l’aide en faveur des migrants. Appliquant le principe de destination universelle des biens, un des éléments-clés de la doctrine sociale de l'Église, il reconnaît un droit naturel des familles à l'immigration : « Il est inévitable que certaines familles soient obligées de se déplacer, à la recherche d'une nouvelle terre d'accueil. Alors - selon l'enseignement de Rerum Novarum - le droit de cette famille à un espace de vie est reconnu. Lorsque cela se produit, la migration atteint son objectif naturel, ainsi que le montre l'expérience. Nous entendons par là la distribution la plus favorable des hommes sur la surface de la Terre cultivée ; cette surface que Dieu a créée et préparée pour l'usage de tous. ».

Pie XII a encouragé l'apostolat des laïcs dans le monde. Comme Pie XI, son prédécesseur, il a soutenu les mouvements de l'Action catholique, alors à son apogée, mais a également encouragé d'autres formes d'apostolat des laïcs comme les instituts de laïcs consacrés, ou instituts séculiers (cf. constitution apostolique Provida mater ecclesia, 1947). Il a aussi stimulé la vocation missionnaire des laïcs, en leur proposant de consacrer plusieurs années de leur vie au service des nouvelles églises locales dans le monde (encyclique Fidei donum, 1957).

S'il a rappelé la place subordonnée des laïcs dans la hiérarchie, il a cependant souligné leur vocation à « collaborer à l'édification et au perfectionnement du corps mystique du Christ » et les a encouragés à être actifs dans l'organisation de la société. Il a ouvert le premier grand congrès mondial de l'apostolat des laïcs, en 1951 qui est suivi d'une seconde édition en 1957. Cette réflexion sur la place des laïcs dans l'Église s'inscrit sur fond d'un débat avec des penseurs catholiques, comme par exemple Jacques Maritain, et préfigure les thèmes discutés lors du Concile Vatican II, durant lequel on assiste à une sensible réhabilitation des théologiens mis à l'écart par Pie XII (Henri de Lubac par exemple).

Pie XII a particulièrement veillé à aider les églises locales fondées récemment, en Afrique notamment. Il a suscité et accompagné la formation d'un clergé autochtone, favorisant l'ordination d'évêques issus de ce clergé local. Il est ainsi le premier pape des temps modernes à avoir ordonné des évêques d'origines africaines, en 1939. L'encyclique aux missions de 1951, Evangeli Praecones, poursuit une évolution favorable à l'indépendance des clergés dans les pays de mission: « L'église doit être fermement et définitivement établie chez les nouveaux peuples et recevoir une hiérarchie propre choisie parmi les habitants du lieu ». Pie XII a soutenu ces églises locales en détachant auprès d'elles des prêtres occidentaux prêtés par leurs diocèses (encyclique Fidei Donum en 1957) et mis à la disposition des évêques africains.

Anticipant la décolonisation, il permit ainsi que l'assimilation entre l'église romaine et le colonisateur ne soit pas systématique. Pie XII a aussi contribué à l'internationalisation de la Curie romaine (en nommant notamment parmi ses conseillers des jésuites allemands et néerlandais, Robert Leiber, le cardinal augustin Bea, et Sebastian Tromp) et du Sacré-Collège, en créant, durant son pontificat, une majorité de cardinaux non-italiens.

Pie XII a mis un terme, en 1953-1954, à l'expérience des prêtres ouvriers. Cette décision a pu être motivée par la crainte du glissement de ces prêtres vers le marxisme. Le pape a sans doute estimé aussi que cette expérience mettait en cause la conception traditionnelle du sacerdoce. La mission des prêtres-ouvriers pouvait occulter « la mise à part » des prêtres en vue du service de l'Église et des fidèles. On risquait aussi de confondre les missions respectives des fidèles laïcs, plus présents dans la société au quotidien, et des prêtres qui doivent rester disponible pour leur ministère et l'annonce explicite de l'évangile. Cette décision du Saint-Siège n'a pas été reçue favorablement par une partie des fidèles, des prêtres et de l'épiscopat français. Ce dernier a alors créé les « missions ouvrières », pour coordonner l'apostolat des fidèles laïcs et du clergé en monde ouvrier. Pie XII use, à la suite de son prédécesseur de la radio. Durant la guerre, il adresse ainsi cinq messages radiophoniques :

 

  • le 1er juin 1941, sur l'anniversaire de Rerum novarum ;
  • à Noël 1941, sur l'ordre international ;
  • à Noël 24 décembre 1942, sur l'ordre intérieur des nations : « …Ce vœu (de retour à la paix), l'humanité le doit à des centaines de milliers de personnes qui, sans aucune faute de leur part, pour le seul fait de leur nationalité ou de leur origine ethnique, ont été vouées à la mort ou à une progressive extinction »…
  • le 1er septembre 1944, sur la civilisation chrétienne ;
  • à Noël 1944, sur les problèmes de la démocratie.

 

Il est le premier pape à utiliser la télévision. Le 23 décembre 1950, il y annonce la découverte de la tombe de saint Pierre, retrouvée exactement à l'aplomb de la coupole de Michel-Ange (sous l'autel majeur) à la suite de fouilles archéologiques. Filmé de façon régulière, il approuve un film "Pastor Angelicus" ou des reportages photographiques qui le montrent dans les jardins hors de ses apparitions officielles, dont le port maîtrisé voire hiératique et la gestuelle ample, en particulier devant les foules, sont caractéristiques. Une photo de lui, prise sans autorisation alors qu'il est sur son lit de mort, est publiée par Paris Match.

À la fin de son pontificat il précise la vision chrétienne de l'utilisation des médias modernes, qu'il encourage dans l'encyclique Miranda Prorsus sur le cinéma, la radio et la télévision. L'Église doit utiliser ces moyens pour diffuser la vérité et le bien, et doit veiller à s'opposer à la diffusion du mal (matérialisme...). De même que son prédécesseur, Pie XI, avait recommandé aux évêques la création d'offices catholiques permettant d'informer les fidèles de la qualité morale des films (comme par exemple, en France, la Centrale catholique du cinéma fondée en 1927), Pie XII recommande aux évêques la création d'offices analogues pour la coordination des activités des catholiques dans les domaines de la radio et de la télévision. Il demande aux autorités publiques et aux groupes professionnels de veiller au contenu moral des programmes diffusés afin de « sauvegarder la morale publique basée sur la loi naturelle », et d'éviter « l'abaissement du niveau culturel et moral des masses ». L'encyclique s'oppose à « la théorie de ceux qui, malgré les ruines morales et matérielles évidentes causées dans le passé par de semblables doctrines, défendent la « liberté d'expression » [...] comme liberté de diffuser sans aucun contrôle tout ce que l'on veut, fût-ce immoral et dangereux pour les âmes ». Elle insiste, à propos de la télévision, sur la protection de la famille et de l'enfance.

En 1936, Pie XI avait fondé l'Académie pontificale des sciences pour promouvoir le progrès des sciences mathématiques, physiques et naturelles, et l'étude des problèmes qui leur sont liés. Cette académie permet au Saint-Siège, dans un dialogue avec des scientifiques reconnus, d'approfondir la connaissance des découvertes récentes dans différentes disciplines scientifiques, ainsi que leurs enjeux. Pie XII a poursuivi avec intérêt ce dialogue et est intervenu lors des sessions de l'Académie à de nombreuses occasions.

Il prononce 33 canonisations notamment celles de Gemma Galgani en 1940 ; Nicolas de Flue, Louis-Marie Grignion de Montfort et Catherine Labouré en 1947 ; Jeanne de Lestonnac en 1949, Jeanne de France, Émilie de Rodat et Maria Goretti en 1950 ; Dominique Savio et Pie X en 1954. L'arrivée de Pie XII signifie effectivement un changement de style: moins direct dans ses condamnations, il cherche à empêcher la guerre (en particulier après l'invasion de la Tchécoslovaquie, le 15 mars 1939), de maintenir la possibilité au Saint Siège d'être un éventuel médiateur et, en tout cas à rester neutre.

Entre mars et septembre, le nouveau pape donne des signes diplomatiques dans toutes les directions pour essayer d'empêcher la guerre sans donner l'image de se ranger du côté d'une des parties: il envisage une conférence internationale il conseille la modération à la Pologne devant les revendications allemande sur Danzig, nomme le 10 mars le cardinal Luigi Maglione, ancien nonce à Paris réputé francophile, pour le remplacer comme secrétaire d'État (poste que celui-ci occupe jusqu'à son décès le 22 août 1944). Il trouve le soutien de l'ambassadeur britannique Osborne pour une initiative vaticane de paix, il reçoit Sumner Welles (émissaire de Roosevelt) et il conforte ses liens avec Joe Kennedy connu lors de son voyage aux USA, en attente de nouer un lien diplomatique officiels.

Le 31 mars 1939, Pie XII salue la victoire de Franco obtenue avec l’aide de l’Allemagne et de l’Italie dans la guerre civile durant laquelle des religieux avaient été victimes du camp adverse: "Elevant notre âme vers Dieu, Nous Nous réjouissons avec Votre Excellence de la victoire tant désirée de l’Espagne catholique. Nous formons des vœux pour que votre très cher pays, une fois la paix obtenue, reprenne avec une vigueur nouvelle ses antiques traditions chrétiennes qui lui ont donné tant de grandeur. C’est animé par ces sentiments que Nous adressons à Votre Excellence et à tout le noble peuple espagnol Notre bénédiction apostolique.»

En avril, Pie XII relève Charles Maurras et l'interdiction de l'Action française dont l'antisémitisme et l'anticommunisme sont connus. Cherchant à maintenir l'Italie hors du conflit, il reçoit le Roi d'Italie auquel il déclare le 24 août "rien n'est perdu avec la Paix, tout est perdu avec la guerre". Après la déclaration de guerre, Pie XII poursuit ses efforts vers le Roi et Ciano qu'il estime moins bellicistes que Mussolini pour éviter l'entrée en guerre de l'Italie. Après les lois antisémites de Mussolini, le pape engage Roberto Almagia un cartographe exclu de l'université de Rome.

Bien que les archives vaticanes de cette période ne soient publiées qu'en partie (les onze volumes des Actes et documents du Saint-Siège relatifs à la Seconde Guerre mondiale), on peut retracer les prises de positions publiques de Pie XII de 1939 à 1945 en tenant compte de trois éléments: la situation du Vatican, la position doctrinale du pape, et l'estimation des menaces sur les catholiques dans les zones sous domination nazie, en particulier dans le cas Polonais dès le début de la guerre. La politique de Pie XII est de maintenir Le Saint Siège officiellement en tant qu'état neutre, à l'image de l'attitude de Benoit XV lors de la Première Guerre mondiale.

Lorsque la guerre éclate, le Vatican est sous la surveillance policière de l'Italie fasciste, avant d'être sous la menace de l'armée nazie après l'occupation de Rome en 1943. Les valises diplomatiques sont fréquemment fouillées ; les lignes téléphoniques sont mises sur écoute ; l'Osservatore Romano est censuré. Les allées et venues des diplomates et journalistes sont en outre étroitement surveillées. Pie XII s'appuie donc surtout sur Radio Vatican pour se faire entendre. Mais comme celle de Londres, cette radio est brouillée par les Allemands au cours du conflit. Le Vatican anime un centre de renseignement sur les réfugiés et prisonniers de guerre, confié à Giovanni Battista Montini.

Doctrinalement, Pie XII donne le cadre théologique et diplomatique de ses prises de positions dans sa première encyclique (Summi Pontificatus du 20 octobre 1939). Il y confirme les condamnations de Pie XI contre les différentes formes de racisme (et de nationalisme ou de lutte des classes), dénonçant « l'oubli de cette loi de solidarité humaine et de charité, dictée et imposée aussi bien par la communauté d'origine et par l'égalité de la nature raisonnable chez tous les hommes, à quelque peuple qu'ils appartiennent. » Pie XII s'y dresse nettement, mais sans les nommer, contre le nazisme, le fascisme mais aussi le communisme et le libéralisme sans Dieu comme responsables de la guerre, qui n'apportera pas la solution (« l'esprit de la violence et de la discorde verse sur l'humanité la sanglante coupe de douleurs sans nom. »)

L'encyclique ne nomme ni Hitler ni Staline et Pie XII ne s'exprime pas non plus sur le pacte germano-soviétique de non agression du 23 août 1939 entre l'Allemagne et l'Union soviétique, et ce premier « silence » lui est reproché, en particulier par Mounier qui utilise le premier l'expression « les silences de Pie XII ». Dans un numéro spécial de L'Osservatore Romano du 13 décembre 1981, Michele Maccarrone écrit : « Il est vrai que Pie XII, accusé d'être un pape diplomate, n'a pas pratiqué la grande diplomatie. Il ne s'est pas adressé aux belligérants pour exiger la fin des combats [...], il n'a pas excommunié, il n'a pas prononcé de condamnation solennelle à l'encontre des crimes et des criminels nazis.»

L'Allemagne nazie est toutefois clairement visée par l'encyclique et cela est perçu (le 28 octobre 1939, le New-York Times reproduit l'intégralité de l'encyclique et titre : « Le pape condamne les dictateurs, les violateurs de traités, le racisme et demande d'urgence le rétablissement de la Pologne  »). En France, Albert Lebrun, président de la république, et Edouard Daladier, premier ministre, saluent la publication de l'encyclique. En Allemagne, son impression et sa distribution sont interdites. Mais les forces aériennes françaises en lâchent 88 000 copies sur l'empire allemand.

Dès le début de la guerre en Pologne, en septembre 1939, les nazis s'emploient à éradiquer les élites du pays. Hommes politiques, enseignants, prêtres et hommes de lettres sont assassinés. On estime à 52.000 le nombre de victimes. Des millions de polonais sont également envoyés dans des camps de concentration. Dans l'encyclique Summi Pontificatus, le pape dénonce explicitement ces persécutions contre les civils: « (...) déjà dans des milliers de familles règnent la mort et la désolation, les lamentations et la misère.

Le sang d'innombrables êtres humains, même non combattants, élève un poignant cri de douleur, spécialement sur une nation bien-aimée, la Pologne (...)». Mais il ne se joint pas à la condamnation franco-britannique de l'invasion, (d'après le ministre des affaires étrangères du Reich pour protéger les catholiques allemands). Au représentant de Mussolini qui vient faire pression suite à la condamnation papale de l'invasion, il déclare : « Nous devrions dire des paroles de feu contre ce qui se passe en Pologne, et la seule raison qui Nous retienne de le faire est de savoir que, si Nous parlons, Nous rendrions la condition de ces malheureux encore plus dure. ».

Son message de Noël 1939 réitère sa protestation : « Nous avons dû, hélas ! assister à une série d’actes inconciliables aussi bien avec les prescriptions du droit international qu’avec les principes du droit naturel et même les sentiments les plus élémentaires d’humanité. Ces actes exécutés au mépris de la dignité, de la liberté, de la vie humaine crient vengeance devant Dieu. ». Le 18 janvier 1940, après la mort de 15000 civils polonais, il déclare que « l'horreur et les abus inexcusables commis contre un peuple sans défense sont établis par le témoignage indiscutable de témoins oculaires ». Il condamne parallèlement l'agression de la Finlande par l'Union soviétique le 26 décembre 1939. Le gouvernement d'occupation allemand en Pologne prétexte ces déclarations papales jugées anti-allemande pour renforcer les mesures de coercition et les persécutions: en Pologne, les Nazis tuent 2350 prêtres et religieux et en envoyèrent davantage en camps de concentration. Ainsi, le baraquement des prêtres à Dachau en reçut 2600.

Le refus par Pie XII de condamner nommément l'invasion de la Pologne est considéré comme une « trahison » par une partie des catholiques, prêtres ou membres de la hiérarchie polonaise qui voient dans sa réception de la nomination d'Hilarius Breitinger comme administrateur apostolique du Wartheland en mai 1942 une « reconnaissance implicite » du démembrement de la Pologne, l'opinion du Volksdeutsche, qui regroupait les minorités catholiques allemandes vivant en Pologne étant plus mêlée. Dès 1940, le Saint Siège explicite sa position aux évêques polonais par Mgr Tardini : « Tout d'abord, il ne semblerait pas opportun qu'un acte public du Saint-Siège condamne et proteste contre tant d'injustices. Non pas que la matière manque (…) mais des raisons pratiques semblent imposer de s'abstenir. [Une condamnation officielle du Vatican] accroîtrait les persécutions ».  » Pie XII précise lui-même : « Nous laissons aux pasteurs en fonction sur place le soin d'apprécier si, et dans quelle mesure, le danger de représailles et de pressions, comme d'autres circonstances dues à la longueur et à la psychologie de la guerre, conseillent la réserve — malgré les raisons d'intervention — afin d'éviter des maux plus grands. C'est l'un des motifs pour lesquels nous nous sommes imposé des limites dans nos déclarations. »

Au printemps 1940, le cardinal secrétaire d'État Luigi Maglione reçoit une demande du Grand Rabbin de la Palestine mandataire Isaac Herzog afin que le pape intercède en faveur des juifs lituaniens déportés par les Allemands. Pie XII appelle Ribbentrop le 11 mars et proteste contre le traitement des juifs. La diplomatie Vaticane bénéficie de contacts en Allemagne (ainsi au printemps 1940, un groupe de généraux allemands désireux de renverser Hitler et de faire la paix avec les Anglais approche Pie XII ). Cela lui permet, le 4 mai 1940 de prévenir les Pays-Bas que l'Allemagne va l'attaquer le 10.

Après l'invasion des Pays-Bas, de la Belgique et du Luxembourg, des États neutres, le pape envoie un message de sympathie à la reine Wilhelmine des Pays-Bas, au roi Léopold III de Belgique et à la grande-duchesse Charlotte de Luxembourg, en ne faisant mention que des malheurs qui accablent ces pays, mais il n'utilise pas le terme « invasion » et ne dénonce ni ne condamne directement l'envahisseur. Quand Mussolini apprend l'existence de ces messages, il accuse le pape de prendre parti contre les alliés des Italiens et il proteste officiellement auprès du Saint-Siège. Le ministre des Affaires étrangères du régime fasciste déclare après l'entrevue que « Pie XII était prêt à être déporté plutôt que de trahir sa conscience » et que « s’il avait un regret à formuler, c’était celui de n’avoir pas parlé avec une clarté suffisante pour condamner la politique nazie contre les Polonais ». À l'inverse, le cardinal de la curie Eugène Tisserant, ancien combattant français, déplore durement la neutralité du Saint Siège. Après la défaite de la France, la secrétairie d'état refait des propositions de paix entre l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni qui refuse.

En avril 1941, Pie XII accorde une audience à Ante Pavelić, nouveau dictateur de Croatie. Cette entrevue provoque une note du Foreign office britannique qui décrit Pie XII comme « le plus grand couard de l'époque ». Cependant, le Vatican ne reconnaît pas le régime croate et s'il ne condamna jamais publiquement les conversions forcées de Serbes par les Croates, il le fait dans une mémorandum confidentiel daté du 25 janvier 1942 et adressé à la légation yougoslave. À cette date, il semble clair que l'information sur l'étendue de l'entreprise d'extermination est parvenue au plus haut de la hiérarchie catholique. En 1941, le cardinal Theodor Innitzer informe ainsi le pape sur les déportations commises à Vienne.

Lorsque l'ambassadeur de l’État français au Vatican, Léon Bérard, s'inquiète de l'avis du Vatican sur le statut des juifs promulgué par le régime de Vichy. Le secrétariat d'État du Vatican confirme que la législation ne s'oppose pas à l'enseignement de l’Église. Le nonce apostolique en France Valerio Valeri, « embarrassé » par ce blanc-seing pontifical accordé à la politique juive du régime de Vichy, vérifie l'information auprès du Vatican. Le secrétaire d'État Maglione confirme que c'est bien la position du Saint-Siège.

En septembre 1941 en revanche, Pie XII s'oppose au code juif slovaque, qui, à l'opposé du statut des juifs français, interdit notamment le mariage mixte. En octobre, Harold Tittman, délégué américain au Vatican demande au pape de condamner les atrocités commises contre les juifs ; la réponse du pape fait état de son souhait de rester « neutre », réitérant par là la position du Vatican exprimée dès septembre 1940. Finalement, en 1942, le pape Pie XII fait officiellement savoir au maréchal Pétain par son nonce en France, Mgr Valerio Valeri, que le Saint-Siège désapprouve totalement les mesures prises par Vichy à l'encontre des Juifs.

Pie XII condamne lors de son message radiodiffusé de Noël 1941 « l'oppression, ouverte ou dissimulée, des particularités culturelles et linguistiques. » des minorités nationales ainsi que « l'entrave et le resserrement de leurs capacités naturelles » avec « la limitation ou l'abolition de leur fécondité naturelle ». Dans le contexte du débat sur l'engagement progressif des États-Unis, Pie XII déclare que la condamnation du communisme exprimée dans Divini Redemptoris par Pie XI n'interdisait pas les catholiques américains de soutenir le prêt-bail accordé par les États-Unis à l'URSS, et de soutenir ainsi sa lutte contre le Reich (puisqu'elle n'est plus l'alliée d'Hitler depuis que celui-ci a envahi l'URSS, le 22 juin 1941).

En mars 1942, Pie XII établit des relations diplomatiques avec l'Empire du Japon, puis avec la Chine nationaliste. Il nomme Hilarius Breitinger comme administrateur apostolique administrator pour le Wartheland en mai 1942 ce qui est perçu comme une reconnaissance implicite du partage de la Pologne. L'ambassadeur polonais Kasimierz Papée s'étonne du reste que le pape ne condamne pas les atrocités commises en Pologne.

En mars 1942, le chargé d'affaires slovaque apprend à Pie XII que le gouvernement slovaque planifie la déportation de "80000 juifs" en Pologne. Le Vatican proteste auprès du gouvernement slovaque en « déplorant ces mesures qui enfreignent le droit des gens, du seul fait de leur race ». Le 18 septembre 1942, le pape reçoit une lettre de Monseigneur Montini (futur pape Paul VI) disant que « les massacres prennent des proportions effrayantes ». En septembre 1942, Myron Taylor, représentant des États-Unis à Rome, et ses homologues anglais, brésilien, uruguayen, belge et polonais préviennent que le « prestige moral » du Vatican est sévèrement compromis par sa passivité face aux atrocités, à quoi le cardinal Maglione répond que les rumeurs ne sont pas vérifiées.

Les représentants des puissances alliées, à l'appui de leur demande, font parvenir au Vatican le rapport qui leur est parvenu du bureau de Genève de l'Agence juive pour la Palestine. Le 17 décembre 1942, toutes les nations alliées, condamnent officiellement l'extermination des juifs par les nazis et annoncent que les responsables n'échapperont pas au châtiment. Le 24 décembre 1942, dans son message de Noël radiodiffusé, Pie XII évoque « les centaines de milliers de personnes, qui sans aucune faute de leur part, parfois seulement en raison de leur nationalité ou de leur lignage, sont destinées à la mort ou à un dépérissement progressif » et appelle à la paix.

Le 25 décembre 1942, le New York Times publie un éditorial dans lequel il est écrit : « La voix de Pie XII est bien seule dans le silence et l’obscurité qui enveloppe l’Europe ce Noël... Il est à peu près le seul dirigeant restant sur le Continent européen qui ose tout simplement élever la voix". » Juste après Noël 1942, le représentant américain auprès du Vatican fait remarquer au Pape que le message papal de Noël 1942 ne pouvait répondre aux attentes. Le pape lui répond que, d'une part, « il n'aurait pu, en parlant de ces atrocités, mentionner les nazis sans mentionner également les bolchéviques et, qu'à son avis, cela n'aurait sans doute pas plu aux Alliés. [...] et que, d'autre part, « les récits des atrocités sont certes fondés, tout en m'indiquant par son attitude qu'à ses yeux, il y avait quelque peu d'exagération, voulue à des fins de propagande ».


Le pape Pie XII en novembre 1947

 

En décembre 1942, Harold Tittmann suggère à Mgr Maglione de faire une déclaration similaire à la déclaration alliée German Policy of Extermination of the Jewish Race. Mgr Maglione lui répond que le Vatican « ne peut dénoncer publiquement des atrocités particulières ». Le même Harold Tittmann écrira dans ses Mémoires, publiés par son fils en 2004 : « Je ne peux m'empêcher de penser qu'en évitant de parler, le Saint Père a fait le bon choix ; il a ainsi sauvé bien des vies ».

Le 2 juin 1943, dans un discours devant le collège des cardinaux, Pie XII exprime sa sollicitude envers ceux qui, à cause de leur nationalité ou de leur race, sont « livrés à des mesures d'extermination » dont il voudrait fustiger toute l'ignominie par le détail et en des termes plus forts, ainsi qu'il ressort des 124 lettres écrites aux évêques allemands pendant la guerre. Il fait cependant remarquer que « toute parole de notre part à l'autorité compétente, toute allusion publique doivent être sérieusement pesées et mesurées, dans l'intérêt même des victimes, afin de ne pas rendre leur situation plus grave et plus insupportable ». Les évêques néerlandais en avaient fait l'expérience lorsqu'en juillet 1942 ils avaient protesté contre la persécution des Juifs : aussitôt les Nazis avaient organisé une fouille minutieuse des monastères et des couvents, menant à une rafle des très nombreux Juifs cachés là, dont Edith Stein.

Le même jour, le pape ajoute une sortie sur la question polonaise : « le sort tragique du peuple polonais… le silencieux héroïsme de ses souffrances et sa place future dans une Europe refaite sur des bases chrétiennes et dans une assemblée d’États exempte des erreurs et des égarements du passé. » Ce texte est reçu avec ferveur par les Polonais, notamment par le cardinal Adam Stefan Sapieha, archevêque de Cracovie, qui n’en demande pas plus par peur des représailles.

Le 26 juin 1943, Radio Vatican déclare que « Quiconque établit une distinction entre les Juifs et les autres hommes est un infidèle et se trouve en contradiction avec les commandements de Dieu. La paix dans le monde, l'ordre et la justice seront toujours compromis tant que les hommes pratiqueront des discriminations entre les membres de la famille humaine. ». C'est une excommunication en règle. Le New York Times cite et acte ce message dans son tirage du jour suivant.

À la suite de l'occupation allemande de l'Italie du Nord, le Pape est directement confronté, à Rome, aux mesures de mises en œuvres de la Shoah par les forces allemandes. Le Vatican passe du stade des déclarations à celui d'actions concrètes, à la portée limitée, tardive et symbolique pour les détracteurs de Pie XII, ou significative pour ses défenseurs. En septembre 1943, à la suite de l'occupation allemande de l'Italie du Nord, l'Église accorde le refuge à 477 Juifs à l'intérieur du Vatican et à 4 238 autres dans des monastères et couvents des environs.

Devant les atrocités commises par la Gestapo et les SS, le pape Pie XII laisse l'Osservatore Romano exprimer l'indignation de l'Église dans son numéro du 25 octobre 1943. Les Allemands font saisir le journal dans les kiosques et menacent de reprendre les perquisitions dans les monastères pour y débusquer les Juifs cachés. Selon l'historien italien Giovanni Miccoli (université de Trieste), "En octobre 1943, lorsque des rafles sont organisées dans Rome, il fait convoquer l'ambassadeur allemand et le menace d'intervenir publiquement. Deux mois plus tard, l'Osservatore Romano publie un article qui incite les catholiques à protéger les Juifs.".

Fin 1943, le commandant des S.S. de Rome ordonne au chef de la communauté israélite de fournir 50 kg d'or dans les 24 heures sous peine de déportation immédiate de 200 autres Juifs (une grande rafle ayant déjà eu lieu le 16 octobre 1943). La collecte n'ayant réuni que 35 kg d'or, le grand rabbin de Rome reçoit du pape Pie XII les 15 kg manquants, réunis grâce à une collecte auprès des catholiques de Rome.

Selon un symposium orgnisé en 2008 par une fondation américaine, Pie XII organisait, avec l'aide du clergé de Rome et des autres pays européens et d'Amérique latine (notamment la République dominicaine du général Trujillo), des réseaux pour faire échapper les Juifs aux Nazis. Par diverses filières, ils pouvaient ensuite gagner des pays neutres ou faisant partie de la conférence des Alliés . En mars 1944, par son nonce apostolique à Budapest, Angelo Rotta, le Vatican unit sa voix à celle du Roi Gustave V de Suède, de la Croix-Rouge, des États-Unis et de Grande-Bretagne pour protester contre les exactions contre les juifs hongrois Pie XII envoie un télégramme le 25 juin au régent Miklós Horthy, lui demandant d'épargner les populations qui souffrent « en raison de leur origine nationale ou raciale ». Les déportations cessent le 8 juillet 1944.

Peu après le débarquement en Normandie, le 30 juin 1944, le général de Gaulle est reçu en audience par Pie XII. Dans ses mémoires il note : «Sous la bienveillance de l'accueil et la simplicité du propos je suis saisi par ce que sa pensée a de sensible et de puissant. Pie XII juge chaque chose d'un point de vue qui dépasse les hommes, leurs entreprises, leurs querelles. Mais il sait ce que celles-ci leur coûtent et souffre avec tous à la fois. (...) Pour lui tout dépend donc de la politique de l'Église, de son action, de son langage, de la manière dont elle est conduite. C'est pourquoi le Pasteur en fait un domaine qu'il se réserve personnellement et où il déploie les dons d'autorité, de rayonnement, d'éloquence que Dieu lui a impartis. Pieux, pitoyable, politique, au sens le plus élevé que puissent revêtir ces termes, tel m'apparaît, à travers le respect qu'il m'inspire, ce pontife et ce souverain».

Fin août 1944, Pie XII lance un appel aux Londoniens et aux Anglais "pour les inviter au pardon des injures et leur demander de ne pas se venger de l'Allemagne des maux que celle-ci leur a infligés". » Le Times publie de nombreuses lettres de protestation. Le 29 novembre 1944, une délégation de 70 rescapés vient, au nom de la United Jewish Appeal (organisme dirigeant du mouvement sioniste mondial), exprimer à Pie XII la reconnaissance des Juifs pour son action en leur faveur.

Le grand rabbin de Rome, Israel Zolli, se convertit à la religion catholique et entre dans l’Église avec sa femme et sa fille, le 13 février 1945, en choisissant pour prénom de baptême Eugenio, c’est-à-dire le propre prénom du pape. Il désire ainsi manifester l’importance qu’a eue le pape dans sa conversion, à commencer par son exemple de charité auprès des Juifs. Après sa conversion, on lui a souvent demandé s'il s'était converti par gratitude envers le pape Pie XII. Il a toujours répondu négativement, ajoutant toutefois:

« On pourrait dire du règne de Pie XII qu'il est inspiré par les paroles du prophète Isaïe : « La paix est l'harmonie, la paix est le salut pour ceux qui sont proches comme pour ceux qui sont loin, je veux tous les guérir » (Is. 57, 19). L'Église catholique aime toutes les âmes. Elle souffre avec tous et pour tous ; elle attend avec amour tous ses enfants sur le seuil sacré de Pierre, et ses enfants sont tous les hommes… Il n'existe pas de lieu de souffrances que l'esprit d'amour de Pie XII n'ait atteint… Au cours de l'histoire, aucun héros n'a commandé une telle armée. Aucune force militaire n'a été plus combattante, aucune n'a été plus combattue, aucune n'a été plus héroïque que celle menée par Pie XII au nom de la charité chrétienne. »

Dans l'après-guerre, Pie XII dénonce les atrocités et les persécutions du régime national-socialiste allemand. Mais il n'évoque pas clairement le génocide, ne nomme ni les Juifs, ni l'antisémitisme dans ses interventions publiques. Cela navre des chrétiens comme Paul Claudel qui écrit à Jacques Maritain, alors ambassadeur de France au Vatican, le 13 décembre 1945 : « Actuellement, rien n'empêche plus la voix du pape de se faire entendre. Il me semble que les horreurs sans nom et sans précédent dans l'histoire commises par l'Allemagne nazie auraient mérité une protestation solennelle du Vicaire du Christ. »

Dans sa correspondance, Jacques Maritain déplore cette absence de prise de position du pape. Il en est de même de François Mauriac qui s'adresse directement au pape : « Nous n'avons pas eu la consolation d'entendre le successeur du Galiléen, Simon-Pierre, condamner clairement, nettement et non par des allusions diplomatiques, la mise en croix de ces innombrables "frères du seigneur". »

Le 14 septembre 1946, le pape Pie XII donna l'audience au rabbin Phillip Bernstein qui avait remplacé le juge Simon Rifkind comme conseiller américain pour les affaires juives sur le théâtre d'opérations européen. Bernstein demanda au pape de condamner les pogroms, mais ce dernier objecta que le Rideau de fer rendait difficiles les communications avec l'Église de Pologne. Plusieurs auteurs ont étudié l'attitude de Pie XII durant la guerre et surtout les raisons pour lesquelles il n'a pas publiquement dénoncé l'extermination des juifs par les nazis.

Le premier historien à se pencher sur l'attitude du pape durant la Seconde Guerre mondiale est Léon Poliakov, auteur de divers travaux sur l'histoire de l'antisémitisme. Selon lui, des sources disponibles accréditent la thèse d'une indécision oscillant entre une opposition prudente et discrète, une neutralité gênée et un double-jeu à la limite de la complicité passive qui tranche pour le moins avec l'opposition nette au régime communiste au pouvoir en Union soviétique. L'information sur l'étendue de l'entreprise d'extermination est parvenue très tôt au plus haut de la hiérarchie catholique et des gouvernements alliés et les condamnations publiques ont été très mesurées. Il note une tension pour Eugénio Pacelli à la fois pape et évêque de Rome : d'une part, son rôle en tant que pape, "Vicaire du Christ", le pousse à prendre en compte avant tout les jeux diplomatiques, les intérêts économiques du Vatican, la crainte d'une victoire du communisme, bref, l'évolution de la guerre à l'échelle mondiale, tandis que sa fonction d'évêque le conduit à intervenir personnellement et à l'échelle locale de son évêché pour les hommes et les femmes dont la vie était en danger.

Dans la préface de son Bréviaire de la haine. Le IIIe Reich et les Juifs (1951 dernière réédition en 1993), François Mauriac se désole du silence gardé par le successeur de Pierre durant les sombres années du nazisme. Léon Poliakov y indique que «face à la terreur hitlérienne, les Églises déployèrent sur le plan de l'action humanitaire immédiate, une action inlassable et inoubliable, avec l'approbation ou sous l'impulsion du Vatican » mais que « l'immensité des intérêts dont le Saint Père avait la charge, les puissants moyens de chantage dont disposaient les Nazis à l'échelle de l'Église Universelle, contribuaient sans doute à l'empêcher de prononcer en personne cette protestation solennelle et publique qui, cependant, était ardemment attendue par les persécutés. Il est pénible de constater que tout le long de la guerre, tandis que les usines de la mort tournaient tous fours allumés, la papauté gardait le silence. Il faut toutefois reconnaître qu'ainsi que l'expérience l'a montré à l'échelle locale, des protestations publiques pouvaient être immédiatement suivies de sanctions impitoyables [...] Qu'aurait été l'effet d'une condamnation solennelle prononcée par l'autorité suprême du catholicisme ? La portée de principe d'une attitude intransigeante en la matière aurait été immense. Quant à ses conséquences pratiques, immédiates et précises, tant pour les œuvres et institutions de l'Église catholique que pour les Juifs eux-mêmes, c'est une question sur laquelle il est plus hasardeux de se prononcer ».

À l'appui de ce jugement il cite une note de l'ambassadeur du Troisième Reich auprès du Vatican, Ernst von Weizsäcker, lors de la déportation massive des Juifs en octobre 1943 qui se félicite que « bien que pressé de toutes parts, le Pape ne s'est laissé entraîner à aucune réprobation démonstrative de la déportation des Juifs de Rome [...] Il a également tout fait dans cette question délicate pour ne pas mettre à l'épreuve les relations avec le gouvernement allemand ». Dans son article « Le Vatican et la question juive », Léon Poliakov estime que le pape était plutôt « diplomate » (par opposition à son prédécesseur « militant »). En termes de « protestations publiques et de condamnations de principe, [...] rien de pareil à certaines manifestations de Pie XI (que l'on se souvienne du célèbre “nous sommes tous spirituellement des sémites...”) ne fut entrepris à Rome sous le pontificat de Pie XII. » Ce qui n'a pas empêché Pie XII de tenter certaines actions : « Payant d'exemple, Pie XII mit personnellement plusieurs kilos d'or à la disposition de la communauté juive de Rome, lorsqu'une contribution exorbitante fut exigée de celle-ci en septembre 1943. Et tout au long des neuf mois que dura l'occupation allemande de Rome, des dizaines de Juifs romains trouvèrent abri et protection dans les édifices et bureaux du Vatican. » L'or versé aux nazis n'empêcha pas la déportation mais la pape ne pouvait pas le prévoir...

Saul Friedländer systématise et approfondit les recherches de Léon Poliakov en particulier dans Pie XII et le IIIe Reich (1964 au Seuil) où il « confirme scientifiquement les thèses de Hochhuth ». Dans L'Allemagne nazie et les Juifs, Saul Friedländer, se demandant pourquoi Hitler n'a pas reculé dans ses plans d'extermination du peuple juif comme il l'avait fait pour l'élimination des « aliénés ». S'appuyant surtout sur les documents diplomatiques allemands, il ne trouve « qu'une seule réponse vraisemblable : Hitler et ses acolytes devaient être convaincus que le pape ne protesterait pas. »

Les rapports diplomatiques début 1943 de Bergen l'ambassadeur allemand au Vatican indiquent un entretien au cours duquel le pape s'engage à ne pas se mêler des actions allemandes sauf si des mesures étaient prises qui « le forceraient à parler pour remplir les obligations de sa charge » — Il tolérerait même quelques débordements qui seraient réglés après la fin de la guerre, par crainte d'affaiblir l'Allemagne dans sa lutte contre le bolchévisme. En février-mars 1943, dans son journal intime, le ministre nazi de la propagande, Goebbels, identifie à trois reprises cette opposition entre nazisme et bolchévisme comme un atout dont son gouvernement doit se servir dans ses rapports avec la Curie. Le 5 juillet 1943, à son arrivée au Vatican, le nouvel ambassadeur allemand Weizsäcker confirme que le pape lui réitère « son affection pour l'Allemagne et le peuple allemand, [...] parle de son expérience avec les communistes à Munich en 1919 [...] et condamne la formule absurde [des États-Unis] de « reddition sans condition » exigée [de l'Allemagne]. L'ambassadeur voit dans le discours du pape, selon ses propres mots, "la forme d'une reconnaissance des intérêts communs avec le Reich au moment où a été évoqué le combat contre le bolchévisme". »

Après la chute de Mussolini le 23 juillet 1943 qui entraîne l'arrivée des troupes allemandes en Italie, la peur du communisme grandit au Vatican avec le risque que la résistance communiste prenne de l'ampleur et gagne en popularité puisqu'elle s'oppose désormais à des forces d'occupation étrangères. Weizsäcker informe ses supérieurs qu'il a eu connaissance de trois notes de la curie datée du jour de la chute de Mussolini, où le cardinal Maglione assure que « l'avenir de l'Europe dépend d'une résistance victorieuse de l'Allemagne sur le front russe. L'armée allemande est le seul rempart possible contre le bolchévisme. Si celui-ci s'écroule, le sort de la culture européenne est scellé. » L'ambassadeur discute avec un diplomate bien introduit dans la Curie qui lui affirme que «le pape condamnait tous les plans qui visaient à un affaiblissement du Reich. Un membre de la Curie dit que, de l'avis du pape, une Allemagne forte était absolument essentielle pour l'Église catholique. » À Berlin même, le secrétaire d'État allemand Gustav Adolf Steengracht von Moyland rapporte que le nonce Orsenigo s'est mis à disserter de son propre chef sur la menace que le communisme fait peser sur le monde et sur le fait que seuls le Vatican au plan spirituel et l'Allemagne au plan matériel peuvent la contrer efficacement.

Ces messages constamment répétés, même s'ils sont un peu embellis par les émissaires allemands, conduisent Goebbels et Hitler, au cours d'une discussion qu'ils ont le 7 août 1943, à considérer que Pie XII, bien que véritable Italien et Romain, peut « être considéré à coup sûr comme un bon ami de l'Allemagne » où il a passé quatorze ans, et qu'il est clair qu'il préfère le national-socialisme au bolchévisme. « En tout cas, il n'a pas tenu de propos malveillants contre le fascisme ni contre Mussolini. »

Selon l'historien israélien Pinchas Lapide, l'Église catholique a pu, par son action charitable, sauver d'une mort certaine environ 850 000 Juifs habitant les territoires occupés par le Troisième Reich. Ce chiffre étonnant à première vue s'explique par le fait que Lapide considère en réalité que tous les Juifs qui ont survécu à l'Holocauste l'ont été par la charité chrétienne (des paroissiens, des religieux ou du pape). Il a donc retiré du nombre total de rescapés ceux qui l'ont été dans les terres orthodoxes, ainsi que les « revendications » protestantes, comme il les appelle, pour arriver à ce chiffre ; le 13 décembre 1963, Pinchas Lapide avait pourtant affirmé dans un article du Monde que ce chiffre était de 150 000 à 400 000.

En 2005, paraît l'ouvrage Pie XII et les Juifs. Le mythe du pape d'Hitler écrit par le rabbin David Dalin. On y lit : « Imputer la condamnation qui revient à Hitler et aux nazis à un pape qui s’opposa à eux et était ami des juifs est une abominable calomnie. Quels que soient leurs sentiments vis-à-vis du catholicisme, les juifs ont le devoir de rejeter toute polémique qui s’approprie la Shoah pour l’utiliser dans une guerre des progressistes contre l’Église catholique. » La fiabilité du livre de David Dalin est mise en doute par Menahem Macina qui souligne plusieurs erreurs disqualifiantes pour un historien, et déplore le caractère apologétique de l'ouvrage.

Au début de la guerre, les puissances de l'Axe tentent de lever le drapeau de la croisade contre l'URSS pour légitimer leur action. Mgr Tardini répond que « la croix gammée n'[était] pas précisément celle de la croisade. » En septembre 1944, à la demande de Myron Taylor, il rassure les catholiques américains, inquiets de l'alliance de leur pays avec les Soviétiques. Toutefois, ni le Pape, ni Staline ne profitent de la guerre pour établir des relations diplomatiques.

La fin de la guerre permet la pénétration du communisme en Europe de l'Est. Les rapports, inexistants durant la guerre, empirent. Dès 1945, Moscou reproche au pape ses silences devant les crimes nazis. Les gouvernements liés à Moscou font fermer peu à peu les représentations du Saint-Siège. L'arrestation brutale en 1948 du prince-primat de Hongrie, le cardinal Mindszenty, archevêque d'Esztergom, symbolise la tension entre les régimes communistes et l'Église catholique romaine. De même, Mgr Stepinac, archevêque de Zagreb et primat de Yougoslavie, subit l'emprisonnement et la torture. Mgr Beran, archevêque de Prague, se voit interdire d'exercer son ministère. Les Églises catholiques de rite byzantin d'Ukraine et de Roumanie sont incorporées de force dans des Églises indépendantes. Les gouvernements communistes accusent en effet le pape d'être le « chapelain de l'Occident ». En 1952, même le maréchal Tito rompt les relations diplomatiques avec le Vatican. Pour l'année 1953, quatre cardinaux et 149 évêques sont touchés par la répression politique.

En Chine, où le Vatican avait établi des relations en 1946 avec le régime nationaliste, dès l'arrivée des communistes au pouvoir en 1949, les catholiques sont inquiétés par le gouvernement qui leur refuse toute relation avec le Vatican, considéré comme une forme de « domination étrangère ». De nombreuses arrestations ont lieu, notamment en 1955, où plusieurs centaines de personnes sont arrêtées avec l'évêque de Shanghaï, Kung, qui passera 30 années en prison. La rupture est consommée en 1957 quand le pouvoir chinois fonde une association nationale, l'Association catholique patriotique de Chine. Les catholiques chinois fidèles au pape doivent entrer dans une forme de clandestinité.

D'un point de vue doctrinal, l'idéologie communiste athée, matérialiste et anticléricale, avait fait l'objet de plusieurs condamnations dont celle de 1937 par l'encyclique Divini Redemptoris, parue quelques jours après celle qui condamnait le national-socialisme. Si Pacelli avait surtout travaillé à Mit Brenender Sorge son expérience personnelle l'avait construit dans un anticommunisme marqué. Il avait vécu la révolution spartakiste en tant que nonce en Bavière en 1919. D'après l'historienne communiste Annie Lacroix-Riz cet anticommunisme est une des clefs de son pontificat, de son attitude pendant et surtout après la guerre; cela expliquerait par exemple une certaine implication dans les filière d'évasion catholiques des criminels de guerre ou des collaborateurs, ou le soutien (sensible) à des prélats compromis dans la collaboration avec des régimes pro-allemand. Ce point reste un débat entre historien.

Dès la fin de la guerre, Pie XII analyse rapidement la fin de la Grande Alliance. Face à la progression des communistes en Europe de l'Est (et aussi en Italie et en France), il balance « entre sa méfiance quasi instinctive à l’égard du communisme athée et l’inclination du diplomate qu’il était resté à préférer toujours le dialogue à l’affrontement. ». Dans la curie, coexistent plusieurs sensibilités qu'on peut les résumer en deux options: l'une veut rassembler « les forces conservatrices au nom de la défense de la chrétienté contre le communisme ». L'autre, voudrait favoriser des « solidarités nouvelles fondées sur une compréhension plus authentique des exigences chrétiennes dans l’ordre politique et social». Ce débat diplomatico-politique est lié à celui sur le rôle des laics.

La première option, "vision hispanique" (allusion au positionnement de l'église dans les dictatures ibériques et sud américaines) privilégie la constitution d'un pouvoir politique autoritaire frontalement anticommuniste ayant une forte composante religieuse pour mobiliser les laïcs (s'appuyant par exemple sur Fatima dans l'anticommunisme). Elle a le soutien de la tradition antimoderniste de la curie.

La seconde option, autour de Montini privilégie l'union des actions catholiques (OIC en 1950), voire des démocraties chrétiennes dans la recherche de contacts, d'échanges avec les communistes, pour rechercher une politique de troisième voie (construction Européenne, doctrine sociale) acceptant l'alliance avec la gauche laique modérée. C'est "la vision française" du cardinal Suhard ou de Maritain qui sépare l'engagement politique des laics de l'obéissance à Rome. Elle reconstitue les options et les réseaux "modernistes" et libéraux (voire gallicans) qui parcourt l'église depuis au moins un siècle et demi.

Ces divergences, ne sont toutefois pas ostensibles: l'autorité du pape est incontestée et c'est à lui seul qu'appartiennent les décisions (il n'a plus de secrétaire d'état depuis le décès de Maglione et ses deux collaborateurs principaux, Montini et le fidèle Tardini, ne reçoivent le titre de proto secrétaire d'état qu'au moment de leur renonciation à la barette de Cardinal). Il déclare "je ne veux pas des collaborateurs mais des exécutants".

Pie XII avait pensé la synthèse entre modernité et tradition en conjuguant une acceptation de la démocratie ("Si l'avenir appartient à la démocratie une part essentielle de son accomplissement devra concerner la religion du Christ et de l'église") et de la modernité scientifique avec une autorité spirituelle papale. Devant la résurgence du modernisme, il opte pour une direction de l'église plus autoritaire. Après plusieurs prises de positions diplomatiques et politiques visant à limiter l'influence communiste (élections en Italie de 1946 et 1948 en particulier), frappé par la répression de l'église à l'Est en 1948/49, par des positions individuelles de clercs qui se disent communistes (au mouvement de la Paix 1948) il réagit: il privilégie en Italie le rassemblement des droites proposé par le professeur Gedda, et le 1er juillet 1949, le Saint-Office excommunie globalement les catholique adeptes ou militants du communisme. Pie XII fait allusion à cette décision dans son discours de béatification d'Innocent XI, affirmant sa mission de « défense de la chrétienté ». Il sanctionne aussi les théologiens et les dominicains français modernistes (1950). Il affirme l'autorité papale en utilisant la procédure de l'infaillibilité pontificale (1950) et en renonçant à l'idée d'un concile prônée particulièrement par Lombardi (1948 et 1952).

Cela condamne la stratégie du dialogue et de l'engagement laïc au côté des communistes, encore tentée jusque vers 1952/54, soit par les églises locales, soit en direction de Moscou. En Pologne, le primat, Mgr Wyszynski, avait signé le 12 janvier 1950 un accord garantissant quelques libertés à l'Église catholique polonaise, en échange de son soutien dans la politique de défense des frontières. Le Vatican se montre réservé face à cet accord, mais propose à Moscou une coexistence fondée sur le respect du droit et des libertés fondamentales (Lettre apostolique aux peuples de Russie du 7 juillet 1952). Le refus de Staline (l'auteur ironique du propos "Le pape, combien de division?") enterre le projet. À l'automne 1953, Mgr Wyszynski est arrêté, avec de nombreux autres hommes d'Église, par le gouvernement polonais pour avoir soutenu une vague de protestations populaires qui secouaient alors le pays.

Dès lors, quoique ne reprenant pas complètement la thèse de l'"état chrétien" prônée par Ottaviani, Pie XII, marque un désaccord plus sensible avec le maritanisme ou la voie de l'ouverture, craignant un risque de laïcisation de l'action catholique. Les marques de ce choix sont nombreuses: la béatification puis la canonisation de Pie X (pape antimoderniste à l'élection duquel il avait assisté), l'ouverture du processus de béatification de Rafael Merry del Val, la condamnation de Conjar, celle des prêtres ouvriers et la mise à l'écart de Montini, non promu comme cardinal. Par contraste, il élève Ottaviani à la barette de Cardinal, ne condamne pas les hiérarchies qui soutiennent les dictatures d'extrême droite, (Portugal, Espagne de Franco, par exemple avec lesquels sont signés des concordats), aide la dictature argentine à enterrer clandestinement, en 1955, le corps d'Eva Perón à Milan. Enfin, lorque Moscou fait une proposition de détente en 1956 dans le contexte de la déstalinisation, il ne répond pas malgré les libérations des évêques polonais par Gomulka: l'écrasement de Budapest en novembre lui confirme qu'il faut refuser toute ouverture, d'où trois encycliques en deux semaines et sa ferme condamnation à la Noël 1956.

D'un point de vue pastoral et doctrinal, les deux dernières années du pontificat portent toutes la marque de ce contexte de défense de l'Église contre le communisme : lancement à Rome de la JOCinternationale qui s'oppose à la propagation dans le monde ouvrier du "poison de doctrines matérialistes, d'attitudes faussées par l'opposition des classes et la haine"; dernières encycliques du pape sur le Sacré Cœur, sur Le Pèlerinage de Lourdes (2 juillet 1957) qui s'expriment clairement contre le matérialisme, comme Miranda Prorsus (8 septembre 1957) au sujet des média, ou surtout Ad Apostolorum Principis (29 juin 1958), sur le communisme et l'Église de Chine ainsi que Meminisse Iuvat (14 juillet 1958), sur les prières pour l'Église persécutée.

Si le début des années cinquante avait été marqué par une activité pastorale importante (question Mariale, jubilé, canonisation de Maria Goretti en présence de sa famille et de son assassin, nombreuses annonces dont la découverte du tombeau de Pierre, prises de position sur l'évolution de l'église -prêtres ouvriers, rôle des laïcs) et diplomatique (soutien à la construction européenne), la santé du pape décline brusquement en 1954 (crise de hoquet mal soignée durant laquelle il envisage l'abdication). De plus en plus diminué par l'arthrose et l'anémie, protégé par la curie et un entourage qui s'opposent (en particulier la sœur Pascalina la "Popessa"" ou son médecin Riccardo Galeazzi-Lisi auteur de nombreuses indiscrétions dont une photo du pape sur son lit de mort), il évite les consistoires et les canonisations, et éloigne certains de ses collaborateurs (en particulier Montini en le nommant archevêque de Milan en 1954). Pour Y-Marie Hilaire "isolé, autoritaire [il] craint de déléguer ses pouvoirs". Il continue de s'exprimer sur des sujets les plus variés (s'inquiétant lui-même d'une "inflation verbale" 119 et 117 messages dans les deux dernières années) en particulier scientifiques pour exprimer la position chrétienne. La centralisation de la décision et une réflexion longue contribuent, avec la maladie à ralentir les décisions et les nominations (en particulier celle des cardinaux). Les jugements des témoins s'en ressentent (pour un diplomate il est "fatigué, pétrifié dans sa gloire"), même si le pape reçoit de nombreux témoignages d'affection et donne des interviews le montrant rétabli.

Dans ses dernières années, il est confronté à des visions, confiées à Mgr Tardini, dont une de Jésus citée par l'Oservatore Romano. Elles rappellent celles d'octobre/novembre 1950, lorsque au moment de la proclamation du dogme de l'assomption, d'après le cardinal Federico Tedeschini Pie XII aurait eu trois fois dans les jardins du Vatican la vision du miracle du soleil de Fatima (30-10/31-10, 1-11 et 8-11 à 16h). D'après Jean Guitton, il aurait dit de lui-même qu’il était "le dernier Pape Pie", l'“ultime chaînon d’une longue dynastie". Il meurt (de ne pas s'être assez ménagé selon son médecin) d'une attaque cérébrale le 9 octobre 1958 à Castel Gandolfo, résidence d'été des papes.

Son successeur, Jean XXIII procède rapidement à un changement d'état d'esprit (par le choix de son nom, divers gestes protocolaires, comme la fin de l'usage de manger seul, l'appel à l'Aggiornamento et au Concile Vatican II, ce qui provoque une surprise dans la curie. Certes, un concile avait été envisagé en 1948 par Pie XII (le précédent concile avait été suspendu en 1870) mais avec un contenu différent, (dogme de l'assomption) et l'idée avait été écartée par Pie XII au profit du magistère de l'infaillibilité. D'après Mgr. Tardini et le Jesuite Riccardo Lombardi Pie XII l'aurait toutefois envisagée pour son successeur.

Après la Seconde Guerre mondiale, l'action de l'Église contre le nazisme et l'antisémitisme fait l'objet de diverses critiques. C'est l'époque où Jules Isaac s'en prend à "L'enseignement du mépris" par l'Église catholique et obtient de Pie XII lui-même, après la conférence de Seelisberg, que la réforme liturgique de 1955 supprime l'« offense du geste », c'est-à-dire l'omission de l'agenouillement lors de la prière pour les Juifs.

Mais plus tard, d'aucuns accusent le même Pie XII d'avoir cautionné par son « silence » les agissements nazis. Cette polémique arrive sur la place publique en 1963 avec la présentation de la pièce de théâtre Le Vicaire, œuvre du dramaturge allemand Rolf Hochhuth, qui a été produite pour la première fois en Allemagne en 1963. Les thèses défendues par l'auteur portent avant tout sur le fait que le pape aurait pu en faire plus. Jusqu'alors, l'image du pape était relativement préservée mais la pièce a largement contribué à retourner l'opinion publique.

La pièce connut en effet un grand succès international, fut traduite en 20 langues, souleva d'innombrables questions auxquelles le Vatican répondit en annonçant qu'il fallait attendre l'ouverture des archives après cinquante ans. En 2002, le film Amen., du réalisateur gréco-français Costa-Gavras, directement inspiré du Vicaire, relançait la polémique.

Cinq ans plus tard, un officier de la DIE (services d'espionnage roumains) passé à l'Ouest en 1978 et recruté par la CIA américaine, Ion Mihai Pacepa, affirme que le général soviétique Ivan Agayants, chef du service de désinformation du KGB, aurait conçu en 1963 un plan contre Pie XII. L'idée était de produire une pièce de théâtre s'appuyant sur de prétendues archives afin de les discrediter lui et son action anti communiste. L'auteur officiel, Rolf Hochhuth, aurait donc juste repris pour Le Vicaire un script inventé par Agayants sur la base de documents envoyés à Moscou par les renseignements roumains (qui auraient réussi à infiltrer les archives du Vatican en 1960 et 1962) et ne se serait pas inspiré du témoignage de Kurt Gerstein, pourtant personnage central de l'œuvre.

Si le Vatican estime que l'écriture du Vicaire a fortement été influencée par son premier metteur en scène, Erwin Piscator, et plus généralement « par les communistes et les adversaires de l'Église », il met fortement en doute les révélations de Pacepa, qui contiennent des erreurs flagrantes sur la façon dont les services roumains se seraient procuré leur documentation : selon le Vatican, une offre d'arrangement des relations diplomatiques avec les pays de l'Est (voire un arrangement financier) n'aurait pu donner un accès aux archives secrètes du Vatican aux services roumains ; par ailleurs, les documents relatifs à Pie XII n'étaient pas encore aux archives secrètes mais à celles de la Secrétairerie d'État.

Dès 1940, un an après l'élection de Pie XII, Albert Einstein constatait dans le magazine Time la lutte de l'Église pour la liberté et la vérité, qu'il comparait au silence de la presse et des Universités. Au lendemain de la guerre, de nombreux témoignages de reconnaissance lui ont été adressés. Le grand rabbin de Jérusalem, Isaac Herzog, s'est exprimé ainsi en 1944 : « Ce que votre Sainteté et ses éminents délégués (…) font pour nos frères et sœurs (…), le peuple d'Israël ne l'oubliera jamais. »

En 1958, Golda Meir, ministre des Affaires étrangères d'Israël, a déclaré à l'occasion du décès de Pie XII : « Quand le terrible martyre de notre peuple arriva, pendant la décennie de la terreur nazie, la voix du Pape s’ éleva pour les victimes […] Nous pleurons un grand serviteur de la paix ». Elio Toaff déclare : « Les juifs se souviendront toujours de ce que l'Église a fait pour eux sur l'ordre du pape au moment des persécutions raciales. ».

Les documents relatifs au pontificat du pape Pie XII, conservés dans les Archives secrètes du Vatican n'ont, jusqu'ici, jamais été publiés intégralement. En octobre 1999, une commission mixte d'historiens juifs et catholiques a pourtant été chargée d'étudier la période. La polémique avait en effet une nouvelle fois été relancée par le document « Souvenons-nous : Une réflexion sur la Shoah », publié à Rome le 18 mars 1998. Un rapport préliminaire fut remis le 25 octobre 1999, rapport dans lequel les membres de la Commission s'interrogeaient sur des lacunes flagrantes dans les documents d'archives disponibles et invitaient le Vatican à ouvrir l'ensemble de ses archives. Ne voyant pas ses requêtes suivies d'effets réels, la commission annonça le 20 juillet 2001 qu'elle devait suspendre ses travaux car le Vatican refusait d'ouvrir toutes ses archives et empêchait ainsi la rédaction d'un rapport final. Pour sa part, le Vatican a pris note de cet échec, qu'il mit sur le compte des « fuites tendancieuses » dont se seraient rendus coupables des membres juifs de la commission.

Les archives correspondant à l'ensemble du pontificat de Pie XI, c'est-à-dire, jusqu'en 1939, ont été rendues accessibles en 2006. Selon le porte-parole du Vatican, celles correspondant au pontificat de Pie XII, représentant environ 16 millions de feuillets, ne pourraient l'être que vers 2014-2015. En 2007, le représentant du Vatican en Israël, Mgr Antonio Franco, a menacé de boycotter les cérémonies annuelles organisées par le mémorial de Yad Vashem. Il voulait protester contre l'image qui était donnée de Pie XII : au musée du Mémorial figure en effet depuis 2005 une photo de Pie XII parmi « ceux dont on devrait avoir honte pour ce qu'ils ont fait contre les juifs », a-t-il déploré.

Le président du Mémorial, Avner Shalev, a tenu à formuler le communiqué suivant : « Yad Vashem se dédie à la recherche historique et le musée de l'Holocauste présente la vérité historique sur le pape Pie XII telle qu'elle est connue par les chercheurs aujourd'hui. Yad Vashem a dit au représentant du Vatican qu'il était prêt à continuer d'examiner le sujet, en soulignant que si on lui y donne accès, il étudierait avec plaisir les archives de Pie XII, afin de prendre éventuellement connaissance d'éléments nouveaux ». Le nonce est finalement revenu sur sa décision de boycotter la cérémonie.

La cause de Pie XII est introduite sous le pontificat de Paul VI, le 18 novembre 1965, en même temps que celle de Jean XXIII. Le 8 mai 2007, les membres du tribunal de la congrégation pour la Cause des saints votent à l'unanimité le jugement positif et conclusif du procès en vue d'établir «les vertus héroïques» de Pie XII. Toutefois le pape Benoît XVI décide de reporter la signature de ce décret, préférant attendre.

Deux ans plus tard, le 19 décembre 2009, le pape Benoît XVI proclame le décret reconnaissant Pie XII comme vénérable. Cette étape précède celle de la béatification. Cette dernière est maintenant conditionnée à la reconnaissance d'un miracle, ayant eu lieu après la mort de Pie XII, et attribué à son intercession. De plus, le Vatican a laissé entendre, il y a quelques mois, que Pie XII ne serait pas béatifié avant l'ouverture complète des archives de son pontificat, procédure qui requiert des années de travail. L'avancée du processus de béatification provoque une controverse à raison de la passivité prêtée à Pie XII pendant la guerre, à laquelle le Vatican oppose l'aide apportée à divers réseaux clandestins d'aide aux Juifs.

L'historien et avocat Serge Klarsfeld écarte les critiques et soutient la décision de Benoît XVI tout en regrettant que toutes les archives ne soient pas encore ouvertes. Le philosophe et écrivain Bernard-Henri Lévy, le 20 janvier 2010, dans un article du Corriere della sera, prend la défense de Pie XII qu'il présente comme un "bouc émissaire" victime de la "désinformation" et parle de lui comme de l'auteur "d'un des manifestes anti nazis les plus fermes et les plus éloquents". Il présente Rolf Hochhuth, auteur de la pièce de théâtre à l'origine de la polémique comme "un négationniste patenté, plusieurs fois condamné comme tel" et s'étonne qu'on accuse Pie XII d'être resté silencieux alors qu'on n'en fait aucun reproche aux chefs d'État de l'époque


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