Viktor Fedorovytch Ianoukovytch, né le 9 juillet 1950 à Ienakiieve (oblast de Donetsk), est un homme d'État ukrainien. Viktor Ianoukovytch est Premier ministre de l'Ukraine du 21 novembre 2002 au 7 décembre 2004, puis du 28 décembre 2004 au 5 janvier 2005.
Viktor Ianoukovytch a été gouverneur de la province de Donetsk, une région minière de l'est du pays, proche culturellement et géographiquement de la Fédération de Russie. Pour ce faire, il bénéficia du soutien de Rinat Akhmetov. Ce dernier, milliardaire, sponsorise le Parti des régions. Avant d'entrer en politique, Ianoukovytch a été condamné à deux reprises pour vol et violence durant sa jeunesse : il purgea trois ans de prison en tout. Il est libéré par la justice en 1978, à la moitié de sa seconde peine. Une fois devenu homme politique, il qualifiera ses actes comme des « erreurs de jeunesse ». Le 21 novembre 2002, il est nommé Premier ministre par le président Leonid Koutchma. Il occupe cette fonction jusqu'au 7 décembre 2004, puis du 28 décembre 2004 au 5 janvier 2005.
Il devient le dauphin du président Leonid Koutchma et le candidat du « Parti des régions » à l'élection présidentielle du 21 novembre 2004 face au candidat de « Notre Ukraine » Viktor Iouchtchenko. Au second tour de la présidentielle, Ianoukovytch est donné vainqueur, mais la contestation des régions de l'Ouest du pays et de la capitale Kiev contre les fraudes électorales prend de l'ampleur. C'est la Révolution orange. Pour sortir de l'impasse politique, le président Koutchma fait organiser un « troisième tour » de la présidentielle le 26 décembre 2004, qui voit la victoire de Iouchtchenko. Ianoukovytch démissionne alors de son poste de Premier ministre le 31 décembre 2004, cette démission est acceptée par le président Koutchma le 5 janvier suivant.
Lors des élections législatives du 26 mars 2006, le Parti des régions de Ianoukovytch obtient 33 % des suffrages et devient ainsi le premier groupe parlementaire à la Verkhovna Rada. Ianoukovytch souhaite des liens plus forts avec la Russie et que l'Ukraine intègre l'Union européenne (en accord sur ce point avec le président Viktor Iouchtchenko). Néanmoins, Ianoukovytch s'oppose à la candidature de l'Ukraine à l'OTAN. Ianoukovytch défend les intérêts des consortiums d'extraction minière des oblast de Louhansk et de Donetsk. Le 4 août 2006, après quatre mois et demi de tentatives infructueuses pour former une coalition avec le parti pro-occidental de Ioulia Tymochenko, le président Iouchtchenko se résigne à nommer Ianoukovytch au poste de Premier ministre d'un gouvernement de coalition. L'accord signé avec le président Iouchtchenko stipule que l'Ukraine poursuivra ses négociations d'adhésion à l'OTAN et son rapprochement avec l'Union européenne. Cet accord permet d'éviter la dissolution du Parlement et la tenue de nouvelles élections législatives.
Le 3 avril 2007, le président Viktor Iouchtchenko dissout à nouveau le Parlement et la coalition vole en éclats. Les élections législatives anticipées ont lieu le 30 septembre 2007 et conduisent à la démission de Viktor Ianoukovytch le 18 décembre, Ioulia Tymochenko étant confirmée au poste de Premier ministre par le Parlement. Ianoukovytch redevient alors le chef de l'opposition ; depuis 2007 il profite des conflits entre le président et le Premier ministre. Le 17 janvier 2010, lors du premier tour de l'élection présidentielle, il arrive en tête avec 35,32 % des voix, devançant Ioulia Tymochenko (25,05 %) et Viktor Iouchtchenko (5,45 %). Il refuse de participer au débat télévisé contre sa rivale, qui le qualifie de « candidat de la mafia et de la criminalité ».
Le second tour a lieu le 7 février : il est remporté par Viktor Ianoukovytch qui réunit 48,95 % des voix, contre 45,47 % pour Ioulia Tymochenko, dont les proches dénoncent « des fraudes massives », mais le résultat est jugé « honnête » par les observateurs de l'OSCE. Viktor Ianoukovytch prête serment le 25 février 2010, devant les membres du Parlement ukrainien, la Verkhovna Rada. Il dénonce « des dettes colossales, la pauvreté, une économie qui s'effondre, la corruption » et souhaite des relations fortes avec l'Union européenne et la Russie. Il effectue sa première visite officielle à l'étranger à Bruxelles le 1er mars 2010, où il s'entretient avec le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy. Viktor Ianoukovytch se rend en Russie le 5 mars.
Il annonce le soir de son investiture son intention de remplacer Ioulia Tymochenko au poste de Premier ministre. Celle-ci refuse, et défie les partisans du nouveau président en soumettant un vote de confiance au Parlement. Le 3 mars 2010, son gouvernement tombe après le vote d'une motion de censure. Huit jours plus tard, Mykola Azarov, un proche de Ianoukovytch, est investi par le Parlement. Signe de rapprochement avec la Russie, le 21 avril 2010, le président ukrainien signe avec son homologue russe, Dmitri Medvedev, un traité portant d'une part sur le prolongement pour 25 ans du bail de la flotte russe de la mer Noire à Sébastopol en Crimée, et d'autre part sur la diminution du prix du gaz russe livré à l'Ukraine de 30 %. L'opposition proteste violemment contre cet accord lors du vote au Parlement. Le même mois, Viktor Ianoukovytch, contrairement à son prédécesseur Viktor Iouchtchenko, déclare ne pas considérer Holodomor, la famine provoquée dans les années 1930 et qui a fait des millions de victimes ukrainiennes, comme un génocide.
Le 1er octobre 2010, la Cour constitutionnelle valide la réforme qui revient sur les changements constitutionnels introduits en 2004 : les pouvoirs du président de la République sont ainsi renforcés (possibilité de limogeage sans justification d'un membre du gouvernement ou d'un dirigeant de chaîne de télévision, de faire fi des décisions du gouvernement, etc.) et les prérogatives du Parlement amoindries. Pour l'analyste Victor Tchoumak, « Ianoukovytch ne s'est pas contenté de rétablir le modèle qui existait à l'époque de Koutchma. Il l'a nettement renforcé. Désormais, le président façonne lui-même la verticale de l'exécutif dans son ensemble, et ce système est devenu beaucoup plus facile à contrôler après la “réforme administrative” […] qui a quasiment divisé par deux le nombre de ministères et d'administrations »
Réputé autoritaire et intolérant avec les médias, Viktor Ianoukovytch doit faire face aux critiques de journalistes ukrainiens qui dénoncent régulièrement la censure qu'il exercerait sur eux. Après une année d'exercice du pouvoir, l'ONG américaine Freedom House a rayé l'Ukraine de la liste des pays libres, tandis qu'en Occident, des voix dénoncent un recul des processus démocratiques et des atteintes à la liberté d'expression. L'Ukraine est désormais décrite comme un pays partiellement libre. Sur fond d'accusation de corruption par la justice ukrainienne, l'ancien ministre de l'Économie du gouvernement Tymochenko, Bogdan Danilichine, obtient l'asile politique en République tchèque, tandis que Ioulia Tymochenko est elle-même assignée à résidence. Au total, quinze anciens membres du gouvernement Tymochenko font l'objet de poursuites judiciaires depuis l'arrivée au pouvoir de Ianoukovytch. À partir d'octobre 2011, à la suite de la condamnation de Tymochenko à sept ans de prison ferme, les relations entre l'Ukraine et les pays occidentaux se dégradent, ces derniers voyant un motif politique dans cette condamnation.
Dans ce contexte de tension entre l'Ukraine et l'Union européenne, Bruxelles a depuis 2011 subordonné la signature d'un accord de libre-échange à plusieurs conditions : la fin des poursuites judiciaires contre les opposants de Ianoukovitch, le respect de l'État de droit et l'indépendance de la justice. En avril 2013, l'ancien ministre de l'Intérieur Iouri Loutsenko est le premier homme politique d'envergure finalement libéré, la détention de Tymochenko restant toutefois le sujet le plus sensible. En novembre 2013, l'Ukraine décide finalement de refuser l'accord avec l'Union européenne et de « relancer un dialogue actif avec Moscou ».