publié le 12/03/2014 à 07h14 CET par Alexis Ferenczi
CINÉMA - Promotion jusqu'à la Maison Blanche, passage remarqué à la 64e Berlinale, avant-première sur les Champs-Elysées, George Clooney n'a pas ménagé sa peine pour défendre son dernier opus
Monuments Men, en salles mercredi 12 mars. Réalisateur, acteur et co-scénariste, la star hollywoodienne joue
gros.
Adaptation d'un livre éponyme de Robert M. Edsel et Bret Witter, le film retrace l'histoire vraie d'un groupe d'experts, conservateurs, galeristes et artistes, envoyés en Europe par le président
Roosevelt pour récupérer les centaines de milliers d'oeuvres d'art dérobées par les nazis à des familles juives ou aux grands musées européens, et protéger les milliers d'autres menacées par les
bombardements alliés.
Dans son cinquième long métrage comme réalisateur, George Clooney campe aussi Frank Stokes, personnage librement inspiré de l'historien d'art George Stout. Il donne le change à Matt Damon, dont
le rôle rappelle James Rorimer, directeur du Metropolitan Museum of Art de New York. S'ajoutent au casting des Monuments Men, Bill Murray, John Goodman, Bob Balaban, et pour son deuxième rôle
américain après Le loup de Wall Street, Jean Dujardin d'un ancien prof de peinture des Beaux-Arts.
Malgré cette somme de talents, la fresque historique de Clooney ne convainc pas. Voici notamment 4 éléments qui lui manquent:
Elle n'est pas visible dans Monuments Men. Depuis que l'acteur a décidé de passer derrière la caméra il y a plus de dix ans, il a (presque) toujours eu le soutien de la critique qui saluait ses
premiers efforts comme le fruit d'une technique évidente apprise au contact de grands réalisateurs. Une filiation était par exemple établie avec Steven Soderbergh qui l'a dirigé dans la franchise
Ocean's Eleven.
Clooney a immédiatement éprouvé une attirance pour les biopics qui lui permettent de raconter l'histoire des États-Unis par le prisme de héros plus ou moins anonymes: de la Guerre froide, dans
Confessions d'un homme dangereux ), au maccarthysme de Good Night, and Good Luck en passant par Jeux de Dupes qui revisite le mythe du Sergent York.
Alors que son précédent, Les Ides de Mars, thriller politique avec Ryan Gosling, ressemble déjà à un hapax froid et calculateur dans la filmographie de Clooney réalisateur, il signe avec Monuments Men une fresque édulcorée loin des classiques de la Seconde guerre mondiale comme Les Canons de Navarone dont il dit s'être inspiré.
C'est l'un des atouts charmes du George cabotin face caméra. Le Clooney réalisateur est lui un brin nostalgique de la "screwball comedy", sous-genre loufoque hollywoodien d'avant-guerre et cite
le cinéma d'Howard Hawks (L'Impossible Monsieur Bébé) comme source d'inspiration majeure.
Mais Monuments Men ne remplit aucun des critères de la comédie. Le ton léger revendiqué par George Clooney et
son scénariste, Grant Heslov, n'est pas difficile à déceler tant il est déplacé. Les seuls acteurs qui parviennent à déclencher les mécanismes du rire sont Bill Murray et Bob Balaban. La paire
possède une véritable alchimie qu'on ne retrouve ni dans les boutades répétées autour des accents français de certains protagonistes, ni dans la présence d'un enfant sniper tenant en joue John
Goodman et Jean Dujardin.
Les Monuments Women
Trop de testostérone dans le casting? Clooney a réservé un siège à Cate Blanchett dans le rôle de Claire Simone. Cette employée du musée du Jeu de Paume - transformé en entrepôt d'art confisqué par les Nazis - consigne dans les moindres détails la provenance
des oeuvres ainsi que leur destination. Pas de chance, son personnage est une combinaison de clichés: bibliothécaire particulièrement froide qui tombe sous le charme de Matt Damon.
Elle est pourtant le reflet d'une véritable héroïne, Rose Valland, dont le rôle - beaucoup moins ambigüe que
celui de Simone - est décrit par l'historien Robert M. Edsel dans le New York Times:
"Elle aurait pu être abattue à de nombreuses reprises. Valland a risqué sa vie
quotidiennement, espionnant des officiers nazis, se présentant comme une assistante qui ne parlait pas un mot d'allemand alors qu'elle transmettait des informations à la Resistance."
D'autres profils de Monument Women auraient mérité d'être cités pour respecter la proportion de femmes dans les effectifs assure le quotidien américain qui prend l'exemple d'Ardelia Ripley Hall,
chargée de la supervision et du rapatriement de plus de 1.300 oeuvres.
Dans un papier paru dans Le Monde daté du mercredi 12 mars, Philippe Dagen s'attaque aux inexactitudes du film de Clooney qui selon lui, "réécrit la Seconde guerre mondiale avec un patriotisme américain envahissant" en minorant notamment le rôle joué par les
Alliés dans la protection de certaines oeuvres.
Autre gêne éprouvée par l'universitaire: "on saisit mal pourquoi il n'est qu'à peine fait allusion à l'une des caractéristiques essentielles de ce pillage: les collectionneurs privés néerlandais
ou français spoliés l'ont été parce qu'ils étaient juifs, comme l'avaient été avant eux les collectionneurs juifs allemand."