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"Monuments men" : à la recherche des trésors volés

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Les Echospublié le 14/03/2014 à 13h33 par Annie Coppermann


Monuments menC’est une histoire extraordinaire, et vraie, qui inspire le cinquième film réalisé par Georges Clooney. Celle de la longue traque lancée à la fin de la deuxième guerre mondiale par des civils américains, à la recherche des œuvres d’art volées par les nazis dans les musées, églises ou galeries des pays qu’ils occupaient. Pendant trois ans toiles, dessins, statues, bijoux et objets précieux de toutes sortes sont partis par camions entiers vers l’Allemagne. Où Hitler, toujours mégalomane, rêvait d’édifier – à Linz,- un gigantesque musée à son nom, qu’auraient jalousé toutes les autres nations.

A Paris, c’est Goering lui-même qui venait se servir, notamment au Musée du Jeu de Paume ou étaient dans un premier temps rassemblées les innombrables œuvres confisquées chez les artiste ou collectionneurs juifs, après leur fuite ou, souvent, leur déportation. Peu avant le Débarquement, en 1944, un certain nombre d’experts, professeurs, architectes et conservateurs connus aux Etats-Unis, conscients de l’importance des disparitions, ont persuadé le général Einsenhower – et le président Roosevelt – que sauver les œuvre d’art, patrimoine de l’humanité, était aussi important que sauver des vies humaines.

Un livre, « Monuments men », de Robert M. Edsel et Brett Witter ( J-C Lattès ) relate l’héroïque équipée d’un petit groupe d’entre eux, débarqués sous uniforme militaire dans les pas des libérateurs a priori peu concernés par l‘art. Objectif : éviter bombardement et destruction des monuments des pays traversés (c’était déjà trop tard pour certains sanctuaires italiens) et, si possible, récupérer les trésors volés, afin de les rendre à leurs légitimes propriétaires, ou à leur héritiers (ce que l’armée russe, on le verra plus tard, ne s’est pas toujours souvent soucié de faire).

Cette formidable aventure, qui d’ailleurs n’est pas terminée – on vient il y a peu de découvrir 1400 œuvres d’art volées , certaines signées Matisse ou Chagall, dans l’appartement munichois d’un octogénaire, Cornelius Gurlitt, fils d’un marchand de tableaux en relation avec les nazis – a particulièrement intéressé le célèbre amateur de Nespresso, qui ne la connaissait pas. On savait déjà qu’entre deux pubs et quelques rôles dans de grandes comédies à succès, le plus séduisant des quinquagénaires hollywoodiens – oui, lui aussi vieillit ! – fidèle soutien d’Obama et de militant pour le Darfour, prend le temps – et le risque – de réaliser, lui-même, on le sait, de solides films chargés de sens, et d’Histoire (notamment « Good Night and Good luck », sur la période du Mc Carthysme, et « Les Marches du pouvoir », sur les dessous d’une campagne électorale présidentielle, avec le regretté Philip Seymour Hoffman) ?

On n’est donc pas surpris de son désir, aujourd’hui, de faire découvrir au public le plus large cette incroyable et pourtant véritable « histoire » d’un exceptionnel sauvetage… artistique. Et l’on comprend sa volonté, pour « faire passer » un sujet qu’il craignait un peu aride, de rassembler autour de lui (qui interprète lui-même le chef du commando) une poignée de copains tous plus célèbres les uns que les autres, Matt Damon, Bill Murray, John Goodman, Cate Blanchett, et notre « Artist » national, Jean Dujardin . Mais voilà. Cette fois, le beau George a voulu trop bien faire. Il a, dit-il, pensé plus aux « Sept mercenaires » et aux « Douze salopards », voire à… « Ocean’s eleven », qu’aux grands films de guerre classiques, et, à force de simplifier la réalité, et de l’enjoliver, transforme son passionnant récit en… bande dessinée rigolarde. En fantaisie potache, mélange hybride, sympathique, certes, mais déroutant, de didactisme bien pensant et d’humour d’affreux jojo.

On a du mal à lui en vouloir, tant son message sur l’importance vitale de préserver notre patrimoine artistique et culturel, fondement même et ciment de notre civilisation, reste d’actualité. Et tant, pour mieux le faire passer, il a mis d’énergie à construire un véritable suspense, agrémenté de quelques séquences particulièrement émouvantes : on ne s’ennuie jamais à suivre les « Monuments men » (ici réduits à sept, pour cause, sans doute, de casting et de facilité de tournage) dans leur odyssée héroïque. Paris, Bruges (dont la célèbre « Madone » a quitté l’église), Gand (où le triptyque de Van Eyck, « l’Agneau Mystique », a disparu) puis, en Allemagne, la ferme d’un collaborateur de Goering qui y a accroché un tableau de la collection Rothschild, à chaque étape, on a droit à une surprise.

Jusqu’au bouquet final, les mines de sel de Siegen, Kochendorf et Altaussee, où les Allemands , dans la boue et les gravats, avaient entassé pêle-mêle des centaines de chefs d’œuvre, toiles et dessins de Rembrandt, Picasso, Memling, Vermeer, Watteau, Monet, Pieta de Michel Ange, vitraux de la cathédrale de Strasbourg, reliques de Charlemagne, manuscrits de Beethoven, et autres trésors qui devaient, en cas de défaite, être définitivement détruits. Mais si la vue des chefs d’œuvre retrouvés , après celle de quelques toiles incendiées, bouleverse, on est, en même temps, comme déconnecté : même dans les moments grave Clooney, étrangement , joue systématiquement la décontraction, la légèreté, l’humour, multipliant les « private jokes », les clins d’œil, les calembours, et transforme ses authentiques héros en joyeux drilles toujours en train de plaisanter, au point qu’ils en décrédibiliseraient presque leurs pourtant admirables modèles…

Mon avis

Un sujet formidable, qui, pour beaucoup sera une révélation. Une volonté de vulgarisation qui touche, pour raconter l’Histoire, même romancée. On découvre ainsi, notamment, une résistante peu connue, la Française Rose Valland, ici incarnée par Cate Blanchett, qui travaillait au Jeu de Paume, et, clandestinement, tenait un registre minutieux des œuvres qui lui passaient entre les mains, ce qui lui a permis, ensuite, de mettre les « Monuments Men » sur leur piste, via l’un des militaires qui accompagnait Goering. Une distribution éblouissante. Mais un résultat mi-chèvre-mi-chou, qui fait souvent plus penser à un film pour ados qu’à une l’illustration d’une grande page méconnue de la deuxième guerre mondiale. A voir comme un divertissement, plaisant, mais… un peu frustrant.


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