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Pas de trésor nazi dans les musées

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Libérationpublié le 03/04/1997 à 01h31 par Annette Lévy-Willard


Les musées nationaux français ne cachaient presque pas d'oeuvres spoliées par les nazis. Ils en ont fait la démonstration hier à Orsay. Expositions en France.



Courbet ­la Falaise d'Etretat

La Falaise d'Etretat de Gustave Courbet

 

L'exposition, par le musée d'Orsay, dans deux petites salles du rez-de-chaussée, d'«oeuvres récupérées après la Seconde Guerre mondiale» a pris, hier, l'allure d'un événement attirant la presse française et internationale curieuse de voir enfin ces tableaux pillés par les nazis, volés aux juifs, non réclamés par leurs propriétaires, et gardés depuis la fin de la guerre dans des conditions quelque peu suspectes par les musées nationaux sous l'étiquette M.N.R. (Musées nationaux récupération).

Or la visite dans ces salles dégonfle sur le champ l'accusation de mainmise par l'Etat français sur les restes d'un trésor nazi, ou d'appropriation scandaleuse d'objets d'art ayant appartenu à des juifs morts en déportation. Au musée d'Orsay, il s'agit affectivement de 71 peintures et de 54 dessins. De qualité médiocre, à l'exception de certaines toiles très connues des visiteurs du Musée d'Orsay. En particulier les deux tableaux de Courbet ­la Falaise d'Etretat après l'orage et les Baigneuses. En lisant le «carton» qui accompagne ces peintures, on s'aperçoit que, comme la plupart des peintures exposées, elles ont été achetées à Paris par les Allemands ­ pour des collectionneurs privés, pour leurs musées, ou pour les notables du Troisième Reich ­ payées un bon prix, et non pillées par les troupes d'occupation. La toile les Baigneuses, par exemple, appartenait à la galerie Raphaël Gérard avant novembre 1940 et a été retrouvée dans la collection Ribbentrop à Hambourg. La Falaise d'Etretat a été achetée, à Paris, à la galerie André Schoeller pour le Museum d'Essen. L'Evariste de Valernes de Degas a été acheté aux enchères, à Drouot, le 11 décembre 1942, un Pissarro a été acheté à Raphaël Gérard, un autre Cézanne à André Schoeller pour le musée de Cologne en 1941 etc. «Certains de ces tableaux, explique Françoise Cachin, directrice des Musées de France, ont été achetés pendant la guerre à des prix souvent chers, à des marchands, à des galeries ou aux enchères. La majorité des oeuvres de la Récupération artistique confiées à la garde des musées nationaux ont été, non pas spoliées, mais acquises sur le marché de l'art parisien pendant l'Occupation par des collectionneurs ou des musée nationaux. Les grandes collections spoliées aux juifs par les Allemands ont été identifiées et rendues à leurs propriétaires après la guerre.» Il faut toutefois rappeler que le marché d'art était florissant, à Paris pendant l'Occupation, en raison de la demande des Allemands mais aussi parce que certaines collections étaient vendues en catastrophe par les juifs qui s'enfuyaient, ou récupérées par des marchands dans des conditions douteuses qui se faisaient les intermédiaires des nazis.

Ce que le public va voir dans les musées nationaux à Paris et en province n'est qu'une infime portion, le reliquat des achats et des vols opérés par les Allemands. La quasi-totalité a été rendue. Dès 1949, sur 61257 oeuvres rapatriées d'Allemagne, 45441 avaient déjà été restituées à leurs propriétaires ou à leurs héritiers. Il restait alors 15 000 objets dont l'origine n'avait pas été établie. 2058 oeuvres (dont 1029 peintures) seront finalement confiées «provisoirement» à la garde des musées nationaux. Une exposition de ces tableaux et objets d'art aura alors lieu au château de Compiègne de 1950 à 1954 mais elle ne permettra qu'une trentaine de restitutions.

Outre les tableaux et objets achetés par les Allemands, il ne reste donc que peu d'oeuvres dont la provenance soit réellement inconnue et qui n'auraient pas été réclamées par leurs propriétaires disparus. Pourtant le soupçon de «recel» de biens spoliés a fait grand bruit en France dans le contexte du scandale sur les révélations autour de l'or nazi et des comptes juifs en Suisse. Un rapport de la Cour des comptes a reproché aux musées d'avoir manqué «aux obligations de publicité que lui imposait le décret du 30 novembre 1949 lequel exigeait que ces oeuvres soient réellement exposées.» Et le gouvernement de créer, le 5 février, un groupe de travail sur la spoliation des biens juifs, présidé par Jean Matteoli.

La réponse des musées nationaux a commencé par la diffusion, sur Internet, des oeuvres d'art récupérées après la Seconde Guerre mondiale. Elle continue avec la publication, aujourd'hui, d'un catalogue présentant l'ensemble des oeuvres, le détail de l'histoire de chaque oeuvre et l'exposition dans chaque musée. Venu inaugurer la première de ces expositions, celle du musée d'Orsay (qui sera suivie par celle du Musée d'art moderne à Beaubourg), Philippe Douste-Blazy a refait l'historique de l'affaire des oeuvres d'art récupérées en Allemagne, précisant d'ailleurs que certaines, comme une Sainte-Victoire attribuée à Cézanne, était un faux que les musées avaient gardé pour ne pas la remettre sur le marché. «On reproche souvent aux musées de ne pas avoir exposé ces objets, rappelle le ministre de la culture, mais elles l'ont été à Compiègne et n'ont entraîné que peu de réclamations. Pour lever le malentendu j'ai décidé qu'une présentation de ces objets aurait lieu dans les musées par souci de transparence. Pour mettre fin à la rumeur selon laquelle les musées français recéleraient de nombreuses oeuvres volées aux juifs par les nazis.»

Le ministre n'exclut pas que parmi les 2000 oeuvres d'art il se trouve des objets spoliés par les nazis, précisant que trois demandes de restitution sont en cours concernant des tableaux au musée d'art moderne (dont un Picasso). Mais sur les 18000 appels sur Internet aucune réclamation valable n'a été enregistrée. «Ce qui pouvait être restitué l'a été depuis cinquante ans, affirme Philippe Douste-Blazy. Il n'y a rien à cacher. J'espère que des gens, parce que nous les montrons par tous les moyens possibles, pourront récupérer leurs tableaux. Mais on pense qu'il y en aura très peu.»

Très probablement. Le geste est symbolique. Un demi-siècle après la guerre, il s'agit plutôt de faire de l'histoire que de rendre des objets d'art qui ne sont pas réclamés.

Guide des expositions Exposition par les musées parisiens des oeuvres récupérées après la Seconde Guerre mondiale.

  • Au musée d'Orsay: 71 peintures et pastels (Courbet, Monet, Gauguin, Manet), 54 dessins. A partir du 3 avril.
  • Au musée d'art moderne du Centre Pompidou: 38 oeuvres dont 23 peintures, 1 tapisserie, 4 sculptures et 10 dessins (Picasso, Foujita, Matisse, Picabia, Derain) du 9 au 21 avril.
  • Au musée du Louvre: 678 oeuvres, dont 250 tableaux, 250 objets d'art, 103 dessins (Delacroix, Géricault, Corot, Rubens etc.) présentées aux visiteurs du 9 avril au 5 mai.
  • Au musée de Sèvres: 131 tableaux, du 9 avril au 5 mai.
  • Au musée de Versailles: 10 tableaux, de 8 avril au 4 mai.
  • Sans compter les 120 musées de province qui exposent leurs oeuvres respectives à partir du 9 avril.

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